le 31 août 2010, une jeune fille (Julie) informe le commissariat de police de L’Haÿ-les-Roses (94) avoir subi, alors qu’elle était âgée de 13 et 14 ans, à plusieurs reprises des viols commis par plusieurs pompiers de la caserne d’une ville adjacente en novembre 2009.
Lors des faits, Julie, psychologiquement fragile, se trouve sous antidépresseurs, neuroleptiques, anxiolytiques. Elle a également des tendances autodestructrices et a fait plusieurs tentatives de suicides (elle en reste handicapée à 80 %). Elle souffre également depuis ses 12 ans de crises de spasmophilie et de tétanie.
Une information judiciaire est ouverte en 2011 contre trois de ces hommes pour viols commis en réunion sur mineur de 15 ans et sur personne vulnérable.
Par une ordonnance en date du 19 juillet 2019, le juge d’instruction requalifie les faits en atteinte sexuelle commise sans violence, contrainte, menace ou surprise sur mineur de 15 ans commis en réunion et renvoie les trois prévenus devant le tribunal correctionnel. Un non-lieu est prononcé au bénéfice des autres pompiers.
Le 12 novembre 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles confirme l’ordonnance du juge d’instruction.
La victime, accompagnée de ses parents et frère (tous constitués partie civile), forme un pourvoi devant la Cour de cassation pour que les faits soient requalifiés de viols.
Problème de droit : Les relations consenties entre des personnes majeures et une mineure doivent-elles être considérées comme des viols ?
Les parties :
Demandeur : Julie et ses parents (parties civiles)
Défendeur : Plusieurs pompiers de la caserne concernée
Les arguments du demandeur :
– Julie et ses parents demandent la requalification des faits d’atteintes sexuelles en faits de viols ;
– La contrainte ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime de moins de 15 ans ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir valablement à des actes de nature sexuelle ;
– Il y a eu corruption de mineur de la part des pompiers auteurs de viols ;
– Les viols qu’elle a subis sont caractérisés dès lors que les auteurs ont la qualité de pompier chargé d’une mission de service public. Ces derniers ont abusé de la confiance qu’elle a placée envers eux à lui porter secours à de nombreuses reprises ;
– Les actes dénoncés par la victime (multiples pénétrations, buccales, vaginales, y compris à plusieurs et dans des endroits sordides à l’âge de 13, 14 et 15 ans) ont été commis volontairement par ces pompiers qui se transmis le numéro de la victime identifiée comme une proie sexuelle facile et en lui envoyant des messages pour la presser d’accepter des rendez-vous ;
– Parmi ces pompiers, M. I a confirmé qu’il était informé de l’âge et des problèmes de santé de la victime, compte tenu des interventions qu’il avait réalisées à son domicile. La victime lui a même informé qu’elle n’avait pas la capacité de consentir à cette époque en raison de la prise de médicaments.
Les arguments du défendeur :
– Selon les pompiers auteurs des actes, la victime était consentante puisque c’est elle, (fascinée par le métier de pompier), qui a pris l’initiative pour lier connaissance avec eux et pour avoir avec eux des rapports sexuels. Elle faisait même preuve, selon ces derniers de « comportement entreprenant et provocateur » et de « participation active lors des ébats » ;
-Selon les auteurs de ces actes, la victime a la morphologie d’une personne majeure et les relations entre eux et celle-ci ne permettent pas de dire qu’il y a eu violence, contrainte physique ou morale, menace ou surprise ;
– M. I a affirmé qu’il savait que Julie était âgée de 14 ans mais a continué la relation parce qu’il n’avait pas l’impression de lui faire du mal et qu’ils étaient attirés l’un par l’autre.
La solution des juges :
La Cour de Cassation considère que la plaignante disposait du discernement nécessaire pour les actes dénoncés auxquels elle a consenti. La cour décide de ne pas requalifier les faits d’atteintes sexuelles en faits de viols. Les pompiers mis en cause par la victime ne comparaîtront donc pas devant une Cour d’Assises pour « viols ».
En revanche, la Cour de cassation retient la qualification de corruption de mineur aggravée par la minorité de 15 ans car les personnes incriminées avaient connaissance de ce que la victime était mineure, ce qui suffirait au regard de la loi à caractériser le délit.
Cour de cassation – Chambre criminelle 17 mars 2021 / n° 20-86.318