Kéo, âgé de 17 ans et de nationalité camerounaise est arrivé seul en France en 2015.
Quelques semaines après son arrivée, il a demandé à être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), mais sa demande a été refusée en raison de doutes concernant sa minorité.
En parallèle, il a demandé à être inscrit dans un établissement scolaire et à cette occasion a passé des tests pour déterminer la classe dans laquelle il devait être affecté. Le Directeur académique (DASEN) n’ayant pas répondu à sa demande, celle-ci a été considérée comme un refus d’inscription (implicite).
Kéo et plusieurs associations de défense des mineurs et des mineurs isolés étrangers ont alors poursuivi le ministère de l’Éducation nationale pour annuler cette décision (implicite) de refus de scolarisation.
Un premier jugement a annulé cette décision.
La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé l’annulation.
Le ministère de l’Éducation nationale a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’État.
Les parties :
Demandeur : Le ministère de l’Éducation nationale
Défendeurs : Kéo et les associations de défense des mineurs
Question de droit : Un mineur, y compris un mineur étranger isolé qui a dépassé l’âge légal de l’instruction obligatoire (16 ans), a-t-il le droit d’être scolarisé ?
Arguments du demandeur :
- l’État n’a pas l’obligation de scolariser les mineurs âgés de plus de 16 ans, qui ne sont plus soumis à l’obligation scolaire (art. L. 131-1 du Code de l’éducation).
- Kéo s’est vu refuser une prise en charge par l’ASE parce qu’il y avait des doutes sur son âge et que Kéo n’avait pas prouvé qu’il était mineur ce qui justifie le refus d’inscription dans un établissement scolaire.
Arguments des défendeurs :
- le droit à l’éducation est un droit fondamental reconnu à tout mineur, non seulement dans le Code de l’éducation (art. L. 131-1), mais aussi par des textes internationaux comme la Convention internationale sur les droits de l’enfant et le Pacte international sur les droits civils et politiques.
- un droit à la scolarisation est prévu pour les mineurs âgés de plus de 16 ans (art. L. 122-2). Cet article prévoit que « tout mineur non émancipé a le droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l’âge de 16 ans » ce qui inclut les mineurs isolés étrangers.
- le droit à la scolarisation est indépendant de l’instruction scolaire obligatoire des enfants âgés de 3 à 16 ans.
- les doutes sur l’âge de Kéo ne justifient pas son refus d’inscription dans un établissement scolaire.
Solution du juge :
Le juge rejette la demande du ministère de l’Éducation nationale.
Il constate, d’abord, que même si Kéo s’est vu refuser le bénéfice de l’ASE en raison de doutes sur son âge, cela n’empêchait pas le DASEN de l’inscrire dans un établissement scolaire adapté à son niveau, tout prenant compte de ses souhaits (parcours). De plus, le Conseil d’État rappelle que le DASEN n’est pas obligé de suivre l’évaluation de l’ASE sur l’âge du mineur.
Ensuite, le juge estime que la décision implicite du DASEN de ne pas scolariser Kéo porte atteinte à son droit à l’instruction (à la scolarisation) et doit donc être annulée. Le Conseil d’État rappelle que le droit à la scolarisation s’applique même lorsque le mineur, âgé de plus de 16 ans, n’est plus soumis à l’instruction obligatoire.
Par conséquent, le Conseil d’État affirme qu’un mineur, même s’il a dépassé l’âge de l’instruction obligatoire (16 ans), a le droit de recevoir une formation adaptée à ses capacités et à ses besoins et que ce droit s’applique également aux mineurs étrangers.
Conseil d’État, 24/01/2022, n° 432718
