Etude de cas : Ravita, jeune fille mineure entretient une relation avec un adulte
Faits
Ravita vient de fêter ses dix-sept ans, c’est donc une jeune fille mineure. Elle attend l’amour de ses rêves et en rentrant de la piscine un soir, elle a croisé Jean-Marie, directeur de l’école de musique de sa ville. Elle est très vite tombée sous son charme. Ce fut le coup de foudre ! Après quelques rendez-vous, Jean-Marie a exprimé ses hésitations à Ravita car il a 45 ans. Elle lui a répondu que cela n’a aucune importance et surtout qu’elle a toujours voulu sortir avec un homme bien plus âgé qu’elle. Aussi, elle lui a dit que l’amour est au-dessus de tout.
Leur histoire a continué. Jean-Marie avait pris l’habitude d’attendre la mineure dans sa voiture stationnée devant la préfecture d’Avas avant que Ravita ne se rende à l’école. Puis il allait régulièrement la chercher le matin à un arrêt d’autobus.
La mère de Ravita lui a interdit de revoir Jean-Marie qu’elle considère comme « nuisible » pour elle. Son père les a croisés 2 fois à l’arrêt d’autobus, après les vacances de la Toussaint de l’année 2015 vers 8 heures 40. Selon lui, Jean-Marie amenait sa fille chez lui pour y assouvir ses passions et la reconduisait vers 9 heures 10 au lycée. Aussi, Ravita rencontrait Jean-Marie à d’autres occasions et notamment lorsqu’elle fuguait de l’établissement où elle était sécurisée.
Ne pouvant plus supporter cette situation, les parents de Ravita se sont rendus au commissariat de police d’Avas pour porter plainte contre Jean-Marie.
Problème de droit
Les parents peuvent-ils légalement interdire à leur fille mineure d’avoir une relation avec un adulte ?
Parties
- Jean-Marie, Prévenu
- Les parents de Ravita, Partie civile
- Le Procureur de la République
Arguments des parents
- Ils rencontrent de plus en plus des difficultés avec leur fille depuis qu’elle voit Jean-Marie ;
- Leur enfant souffre de troubles de l’attachement pouvant l’amener à se droguer, s’alcooliser ou à déprimer ;
- Ravita s’absente fréquemment de l’école ;
- Ravita a par ailleurs été retrouvée par sa mère en état d’ivresse, rue Saint Maurice à Avas, le 9 juin 2015, et a dû être hospitalisée dans un établissement psychiatrique jusqu’au 23 juin suivant ;
- Jean-Marie continue à rencontrer Ravita, malgré l’engagement qu’il avait pris de ne plus la revoir ;
- Jean-Marie vient fréquemment la chercher avant l’école et entretient avec elle des rapports sexuels ; il est notamment venu la chercher chez elle, le 30 décembre 2015, et l’a ramenée le lendemain, à cinq heures du matin, chez ses parents ;
- Jean-Marie a envoyé sur le téléphone portable de Ravita, entre le 12 et le 23 novembre 2015, un total de 32 messages dans lesquels il exposait, souvent en termes obscènes, l’objet de ses désirs et lui disait également : « je tiendrai, ma petite femme. Préserve-toi… Repose-toi… Mange bien… Ne rentre pas dans leur merdier de morale et discours à la gomme. Je t’aime et tu seras ma femme ».
- Ravita avait décidé de ne plus le revoir mais il la harcelait au téléphone. Il l’avait incitée à fuguer afin de le rejoindre et d’avoir une explication. Il l’avait frappée et l’avait insultée, l’avait emmenée à son domicile. Il avait répondu qu’elle n’était pas là lorsque sa psychologue, inquiète, avait téléphoné. Il l’avait ensuite « jetée dehors ». Elle avait été hospitalisée dans un centre psychothérapeutique et il était venu à l’hôpital pour la rencontrer en se faisant passer pour son oncle.
Arguments de Jean-Marie
- Ravita a fait plusieurs aveux :
- Elle se rend spontanément chez Jean-Marie ;
- Elle a l’habitude de se confier à lui. Elle déclare aller régulièrement le voir, lui écrit des lettres passionnées et, le premier juin 2015, lui avait demandé de lui faire l’amour. Elle dit ressentir une attirance et de l’amour pour cet homme et ajoute que lorsqu’il était parti en voyage en Tunisie à la fin de l’année scolaire, elle avait déprimé et qu’elle s’était retrouvée à l’hôpital.
- Jean-Marie confirme la version donnée par Ravita
- Il déclare n’avoir entretenu des relations intimes avec elle qu’à une reprise ;
- Il indique que ces pratiques consistant à aller chercher Ravita à l’école n’avait duré que 15 jours ;
- Il voyait Ravita lorsqu’elle le pouvait et cette dernière prétextait alors, lorsqu’il la questionnait sur la raison de sa présence, qu’un de ses professeurs était malade ou absent ;
- Il ajoute avoir parfois eu avec elle des relations sexuelles entre midi et 14 heures et être allé à une reprise à l’hôtel. Il a reconnu avoir giflé la jeune fille mineure à l’occasion d’un différend car Ravita avait fait l’amour avec un autre garçon.
- Jean-Marie expose que Ravita l’appelait pour qu’il aille la chercher à la sortie de l’école;
- Il dit qu’il est amoureux d’elle et était allé la chercher le 30 décembre 2015 chez ses parents, à sa demande ;
- En matière sexuelle, c’était elle qui menait « la barque » ;
- Il avoue que son objectif était d’attendre que Ravita encore jeune fille mineure ait atteint l’âge de 18 ans pour pouvoir vivre avec elle ;
- Il s’était même engagé à ne plus la revoir.
Arguments du Procureur de la République
- Une enquête sociale rapide est ordonnée par M. le procureur de la République d’Avas. Elle rappelle que Ravita avait été scolarisée en 2014 et 2015, en qualité d’interne, en première année de B.E.P sanitaire et social ;
- Après une dernière hospitalisation au mois de juin 2006, une prise en charge avait été effectivement instaurée ;
- Ravita rencontre régulièrement, depuis le mois de juin 2015, un psychiatre et un psychologue et adhère au suivi mis en place et va mieux ;
- Elle est scolarisée en seconde générale à Avas depuis la rentrée ;
- L’adolescente a rejeté sa mère et ne souhaite entretenir que peu de relations avec son père qui, selon elle, la « fliquait ». La prise en charge apparaît satisfaisante.
- La perquisition réalisée le cinq mars 2016 au domicile de Jean-Marie révélait la présence de photographies de Ravita dans des poses suggestives ;
- Jean-Marie était examiné par le docteur Fabrice, psychiatre, qui concluait, le sept juin 2007, à l’absence de toute anomalie mentale. Le médecin précisait que l’intéressé paraissait profondément désemparé et déstabilisé par sa relation avec Ravita qui avait pris pour lui un caractère passionnel et destructeur et pour laquelle il semblait toujours éprouver des sentiments amoureux. Il suggérait la poursuite de la prise en charge psychologique décidée par l’intéressé ;
- Le bulletin numéro un du casier judiciaire de Jean-Marie ne portait trace d’aucune condamnation.
Solution des juges
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- La cour estime que le fait, pour Jean-Marie, d’entretenir des relations intimes régulières avec Ravita ou d’avoir été trouvé en possession de clichés photographiques représentant la jeune fille mineure dans des poses suggestives ne caractérise pas l’infraction de corruption. En effet, les différentes scènes ne se sont jamais déroulées en présence de tiers et se situent dans le contexte d’une relation affective et sexuelle consentie par Ravita ; le fait que le prévenu ait tiré parti de l’attitude de cette dernière afin de satisfaire ses propres passions, quoique moralement répréhensible, ne peut être sanctionné par l’article 227-22 du Code pénal.
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- La cour estime, dans ces circonstances, que Jean-Marie a, par ses manœuvres régulières, encouragé avec succès Ravita, qui était en conflit avec ses parents, à s’affranchir prématurément et durablement de leur autorité afin de se l’approprier. Le délit de soustraction de mineur apparaît constitué. La cour décide donc de sanctionner Jean-Marie, dont le casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, d’une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis.
- Il convient enfin, au regard des pièces médicales versées au débat, de condamner Jean-Marie à payer aux parents, en réparation de leur préjudice moral, une somme d’un euro à titre de dommages et intérêts et à Ravita, en réparation de son préjudice moral, une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.