Etude de cas :
Mila, adolescente de 16 ans, après avoir refusé les avances d’un internaute musulman sur son compte instagram, reçoit de sa part des insultes lesbophobes et misogynes proférées en se référant à Allah. Elle publie alors sur Instagram une vidéo critiquant l’islam dans des termes très crus, qualifiés ultérieurement de blasphème.
A la suite de cette publication, Mila recevra un déferlement de messages d’insultes et de menaces de mort sur twitter.
Après la publication par Mila, d’une autre vidéo sur tiktok sur le thème du maquillage, elle a reçu à nouveau des messages d’insultes auxquels elle a répondu par une autre vidéo dans laquelle elle critiquait Allah. Cette seconde vidéo a provoqué une nouvelle vague de cyberharcèlement (insultes et menaces de mort via des messages et des hashtags publiés en ligne à son encontre).
Mila a déposé plainte, ce cyberharcèlement ayant eu un impact psychologique sur sa santé.
L’affaire est traitée ici uniquement sous l’angle du cyberharcèlement.
Demanderesse : Mila.
Défendeurs : Treize internautes à l’origine du cyberharcèlement.
Question de droit : Suite à une publication de vidéos sur les réseaux sociaux, une adolescente a subi une vague de cyberharcèlement d’une très grande envergure (insultes et menaces de mort). Peut-elle faire condamner les personnes à l’origine de ces menaces ?
Arguments de la demanderesse :
Elle indique que les messages reçus comportent des passages injurieux, des menaces de mort et des incitations à la violence (physique, psychique ou sexuelle). Ils sont donc malveillants et visent à l’humilier et à la détruire pour le moins psychologiquement et à mettre en danger sa vie et ses conditions de vie. Elle a d’ailleurs dû être déscolarisée en urgence, protégée par des gardes du corps, changer son apparence, etc…
Argument des défendeurs (treize internautes mis en examen) :
Ils maintiennent ne pas avoir conscience des propos (menaces de mort et insultes), ni des conséquences néfastes sur l’état de santé de Mila.Un des prévenus avait dit :« Ouais bah qu’elle n… sa mère la p… Mila et qu’elle crève la bouche ouverte (j’ai aucun risque de poursuite je suis blanc et pas croyant on est ensemble mes frères) ».
Décision des juges :
Les jugent ont estimé que « le cyberharcèlement est caractérisé au moyen d’un service de communication au public en ligne ou d’un support numérique ou électronique : propos ou comportements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime ».
Ainsi, douze prévenus sont condamnés à des peines de prison avec sursis simple allant de 4 à 6 mois, ainsi qu’une amende de 1500 euros chacun pour le préjudice moral de Mila, et 1000 euros pour les frais. Ces condamnations seront inscrites au bulletin n°2 du casier judiciaire.
On notera que l’un des prévenus a été relaxé, car le tribunal constate qu’il existe un doute raisonnable sur le sens à donner au message publié sur twitter « faut la faire sauter ». En effet, il peut s’agir dans le sens de la communauté des utilisateurs de twitter de suspendre le compte de Mila.
Enfin, un autre prévenu ayant au cours de l’audience exprimé un repenti sincère a été relaxé. En effet, le doute profite au prévenu.
Tribunal correctionnel de Paris – 7 juillet 2021