La tenue d’un concert de rap peut-elle être interdite en cas de risques de troubles à l’ordre public ?
Les faits :
Le chanteur de rap Freeze Corleone souhaitait donner un concert dans la Halle de Lyon.
Le préfet du Rhône a interdit la tenue de ce concert en estimant que les paroles des chansons présentaient un caractère antisémite et homophobe.
Le chanteur a saisi le juge des référés du Tribunal Administratif de Lyon, devant lequel il demande que soit annulée la décision du préfet afin qu’il puisse donner son concert. Par ordonnance, le juge administratif a rejeté sa demande, et le chanteur décide de former un recours devant le Conseil d’Etat.
Le problème de droit : La tenue d’un concert de rap peut-elle être interdite en cas de risques de troubles à l’ordre public ?
Les parties :
Demandeur : Freeze Corleone
Pour le chanteur, la décision du préfet porte une grave atteinte à la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’entreprendre. Selon lui, les paroles de ses chansons, notamment celles qu’il est prévu d’interpréter, n’ont pas de caractère polémique ; elles n’ont aucun lien avec l’actualité nationale et internationale du moment. Enfin, il ajoute qu’il les a déjà chantées en concert que ce soit en France et à l’étranger et qu’aucun trouble n’est survenu à ces occasions.
Défendeur : le préfet du Rhône
Ce dernier relève que plusieurs titres de chanson contiennent des propos antisémites, ou témoignent d’une admiration pour le IIIème Reich ou bien présentent un caractère homophobe. Les paroles des chansons incitent à la haine et font l’apologie du nazisme ou du terrorisme. Il en conclut que la tenue de ce concert peut conduire à la commission d’infractions pénales et que le risque de trouble à l’ordre public est élevé compte tenu notamment des tensions locales qui existent et qui sont liées aux affrontements qui se déroulent au Proche Orient depuis le 7 octobre 2023 ;
La décision des juges :
Tout d’abord, les juges rappellent que les restrictions aux libertés invoquées par le demandeur qui sont des libertés fondamentales, doivent être proportionnées, nécessaires et adaptées.
En l’espèce, le Conseil d’Etat rejettera la demande du chanteur et approuvera la décision du préfet.
En effet, au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, ne pouvait être écarté le risque sérieux que soient portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, notamment celui de dignité de la personne humaine, compte tenu des paroles de plusieurs morceaux, issus du nouvel album du chanteur daté du 11 septembre 2023, prévus pour être interprétés lors du concert en cause.
De plus, compte tenu de ce qui a pu être observé lors de précédents concerts de l’intéressé, les morceaux susceptibles d’être effectivement interprétés pouvaient changer de ceux annoncés par la programmation prévue.
Enfin, en raison des répercussions en France des événements se déroulant au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023, en particulier dans le département du Rhône où des actes antisémites ont été commis et où ont été constatés des mouvements organisés d’appel à la haine, les risques de troubles à l’ordre public du fait de la tenue du concert étaient caractérisés.