Faits :
La Société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’île (SHEP), qui exerce une activité commerciale de résidence de tourisme, hôtel, restaurant à Lecci (Corse) mettait à la disposition exclusive de sa clientèle des chaises longues et des parasols destinés à être installés, pendant la journée, sur la plage à proximité immédiate de l’établissement qu’elle exploite.
La société a tout de même pris le soin de demander au préfet de la Corse-du-Sud la délivrance d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public maritime en bordure de la plage du Benedettu pour l’installation, d’une part, de transats et parasols au droit de son établissement, d’autre part, d’un ponton non démontable.
Par deux arrêtés du 4 juin 2020, le préfet a refusé de faire droit à la demande de la société.
À la suite de plusieurs constats d’occupation sans titre du domaine public effectués le 4 juillet 2020 par la gendarmerie nationale et les 7 juillet et le 13 août 2020 par les agents de la direction départementale des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud, le préfet a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia d’ordonner l’expulsion de la société SHEP des emplacements occupés sur cette plage et le retrait du ponton, ainsi que de l’ensemble des objets mobiliers susceptibles de s’y trouver.
Par une ordonnance du 24 août 2020, le juge des référés a ordonné l’expulsion de la société SHEP.
Mécontente de cette décision, la société SHEP a saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat.
Problème de droit : Compte tenu du droit d’usage libre et gratuit de la plage par le public, faut-il une autorisation d’occupation pour installer ses accessoires de plage ?
Les parties : Demandeur : La Société Hôtelière d’Exploitation de la Presqu’île (SHEP)
Défendeur : Le préfet de la Corse-du-Sud
Les arguments du demandeur :
-L’usage de la plage est libre et gratuit par tous ;
-Selon la société SHEP, le préfet n’avait pas le droit de lui refuser une autorisation d’occupation du domaine public puisqu’elle ne faisait que mettre à la disposition de sa clientèle des chaises longues et des parasols destinés à être installés, pendant la journée, sur la plage à proximité immédiate de l’établissement qu’elle exploite.
Les arguments du défendeur :
– Selon le préfet, nul ne peut utiliser à titre privatif un bien du domaine public sans détenir une autorisation d’occupation ;
-La société SHEP ne dispose pas d’un titre d’occupation du domaine public maritime qu’est la plage ;
-En cas d’occupation sans titre, le préfet peut demander au juge l’expulsion d’occupants sans titre du domaine public.
Solution des juges :
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public est obligatoire lorsque l’occupation ou l’utilisation du domaine public a un but privatif (par exemple l’exercice d’une activité commerciale).
Ensuite, l’usage libre de la plage implique que la personne qui occupe un emplacement sur la plage doit pouvoir laisser sa place à quelqu’un d’autre lorsqu’elle quitte la plage. L’usager de la plage qui utilise un mobilier de plage (transat, serviette, parasol) sur un emplacement doit donc retirer son mobilier au moment de son départ.
En revanche, s’il n’est pas démontré, comme dans le cas d’espèce, que les usagers de la plage installent eux-mêmes les biens immobiliers puis les retirent après utilisation, l’installation de des biens mobiliers sur la plage (parasol en l’occurrence), même à titre temporaire, est considérée comme une occupation privative du domaine public maritime par la personne propriétaire de ces biens.
Enfin, le Conseil d’État conclut que la société SHEP occupe à titre privatif un emplacement de la plage car il n’est pas prouvé que les clients de l’hôtel installent eux-mêmes le parasol et le retirent après utilisation. Par conséquent, la société SHEP occupait le domaine public maritime (la plage) sans titre ; son expulsion de la plage est justifiée. Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 12/03/2021, 443392