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On appelle « libertés fondamentales », l’ensemble des droits ayant un caractère essentiel pour les individus.
Ces droits ont des sources variées et diffèrent selon les pays.
En droit français, l’expression « droits et libertés fondamentaux » n’est pas mentionnée spécifiquement dans les textes, mais cependant, un grand nombre de libertés fondamentales sont garanties par la Constitution par trois sources principales :
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après : CESDH, annexe 2) offre également une énumération des libertés protégées par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui s’applique également aux justiciables français.
Les principales libertés fondamentales :
Par exemple, c’est au titre de la protection de la dignité de la personne humaine que l’esclavage est absolument interdit. Ce sont notamment les articles 2 (Droit à la vie) et 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui prévoient que l’interdiction de l’esclavage est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques.
En France, la loi du 9 octobre 1981, qu’on appelle communément loi Badinter du nom du Ministre de la justice qui l’a portée, a aboli la peine de mort. L’interdiction de la peine de mort est également considérée comme un droit fondamental par la CEDH (protocole additionnel n°13).
En droit français, l’égalité devant la loi suppose que toute personne soit traitée exactement de la même manière ; c’est la condition fondamentale, nécessaire pour faire valoir les autres droits et libertés. On la retrouve dans la devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité ».
La lutte contre les discriminations est la continuité du principe d’égalité. Ainsi, toutes les discriminations, directes ou indirectes, que ce soit en raison du sexe, de l’âge, de la religion, des idées politiques, de l’orientation sexuelle, du genre etc., sont interdites.
Ce qu’on entend par liberté d’expression c’est la faculté pour tout individu d’exprimer librement ses opinions et sa pensée. Elle est protégée par l’article 11 de la DDHC et l’article 10 de la CESDH.
La liberté d’expression n’est cependant pas absolue, elle doit être conciliée avec d’autres droits et libertés fondamentaux – ce sont en quelques sorte des « limites ». C’est par exemple le cas du droit au respect de la vie privée ou à la dignité.
Les propos racistes ou antisémites ne sont pas non plus protégés par la liberté d’expression, pas plus que ceux incitant à la haine ou à la discrimination.
La liberté de pensée et de conscience signifie que chaque citoyen est libre d’avoir des opinions de toute nature. Elle est plus large que la liberté d’expression qui peut être limitée comme nous venons de le voir, puisque nous n’avons pas le droit d’exprimer toutes ses opinions.
Par contre, cela veut dire que l’Etat ne peut pas favoriser une idéologie par rapport à une autre ; l’objectif étant de favoriser un pluralisme des idées au sein de la Société.
Cette liberté est protégée par les articles 10 de la DDHC et 9 de la CESDH.
La liberté de religion implique la protection de la conviction religieuse intérieure à chaque personne, ainsi que l’exercice de son culte dans la sphère publique.
Ce sont deux notions distinctes. En effet la liberté de croire dans ce que l’on veut est illimitée. Chacun est donc entièrement libre de son choix religieux ou philosophique.
Par contre, l’extériorisation de cette croyance dans la sphère publique est limitée par la protection de l’ordre public. La laïcité implique le fait que l’Etat ne doit pas se mêler des religions, il doit être strictement neutre et ne favoriser aucune religion.
Les agents publics doivent respecter ce principe de neutralité vis-à-vis de la religion lorsqu’ils sont dans le cadre de leurs fonctions.
Cette liberté de religion est protégée par l’article 10 de la DDHC, de l’article 9 de la CESDH, du préambule de la constitution de 1946 ainsi que de l’article 1 de la Constitution de 1958.
Ce droit est plus récent : la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle depuis 2005, proclame le droit pour toute personne de vivre dans un environnement sain. Il rassemble plusieurs notions d’origine diverses comme la protection de l’objectif de développement durable afin de lutter contre les changements climatiques, mais également le principe de précaution ce qui signifie que face à l’absence de consensus scientifique sur une question relative à l’environnement, il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher un dommage potentiel à l’environnement-.
L’article 2 de la DDHC considère que le droit de propriété fait partie : « des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme », il est même prévu dans la même DDHC que « le droit de propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ».
Attention : de nombreux autres droits et libertés fondamentaux sont protégés par les sources citées en introduction. On peut notamment mentionner la liberté d’entreprendre ; le droit au respect de la vie privée et familiale ; la liberté d’association et de réunion ; la liberté de manifestation ; la liberté de circulation…
Ce qu’il est important de comprendre c’est que les libertés fondamentales ne sont pas des libertés « absolues ». C’est-à-dire qu’elles doivent toujours être conciliées avec d’autres droits et libertés pour atteindre l’objectif d’une société où la pluralité des idées, des religions, des philosophies et des valeurs coexistent librement.
POUR EN SAVOIR PLUS : Rappel historique sur les Libertés fondamentales.
La Révolution française de 1789 marque un tournant dans l’histoire des libertés fondamentales. Cependant la construction de ces droits et libertés est un processus qui remonte loin dans le temps.
Ainsi, l’influence de la réflexion philosophique sur la démocratie qui traverse l’Antiquité grecque, puis la période romaine est encore identifiable dans les systèmes politiques et juridiques occidentaux. Cependant, les notions de droits de l’homme telles qu’on les entend aujourd’hui n’existaient pas encore. En effet, la philosophie qui prédomine est celle de la pensée collective, de la société.
Le Moyen-Age chrétien est une autre influence très importante pour la construction de la réflexion sur les droits et libertés fondamentaux. La création des « universités » emporte la reconnaissance de nouvelles libertés. Les cours royales publient des textes accordant plus de droits à leurs sujets.
Ainsi, la Magna Carta (15 juin 1215) sera le fondement d’un passage progressif – et non uniforme selon les souverains et les territoires – d’un Etat absolu, tout-puissant, à un Etat de droit dans lequel le pouvoir du souverain est encadré par des règles juridiques. Ce n’est évidemment pas un processus linéaire et l’on peut citer notamment l’Inquisition ou la Monarchie absolue de Louis XIV comme contre-exemples.
Toutefois la lente marche de la reconnaissance des droits et libertés fondamentaux aboutira à plusieurs autres grands textes de portée générale. On peut citer l’Edit de Nantes (1598) qui attribuera la liberté de conscience et de culte en faveur des protestants dans le Royaume de France.
De l’autre côté de la Manche, la Petition of Rights (1628), puis l’Habeas Corpus (27 mai 1679), et enfin le Bill of Rights (13 février 1689) issus de négociations entre le Roi d’Angleterre et le Parlement garantissent des droits aux sujets anglais en échange de la levée de l’impôt. Ainsi ces textes instaurent la suppression de la détention et des arrestations arbitraires.
Les penseurs des Lumières et de la Révolution française avec l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789 semblent à l’époque parachever cette évolution.
En effet, celle-ci à vocation universelle, son article 2 dispose que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
Elle est rendue effectivement universelle en 1794 avec l’abolition de l’esclavage, bien qu’il faille attendre 1848 pour qu’elle soit acquise définitivement.
Les horreurs de la seconde guerre mondiale, matérialisées par la déportation et l’extermination systémique des citoyens juifs des Etats sous la coupe du nazisme, ont impulsé un nouvel élan à la réflexion sur les droits et libertés fondamentales.
En effet, la prise de conscience du manque de garde-fous et de mécanismes efficaces pour la protection de ces libertés fondamentales a entrainé de nouveau un foisonnement de textes listant les libertés et les moyens de les protéger.
On peut citer, entre autres, le Préambule de la Constitution française de 1946, la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, les pactes des Nations-Unies (PIDCP – PIDESC) en 1966, la Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentales de 1950, et la Constitution de la Ve République française de 1958.
Il est nécessaire de noter qu’une nouvelle fois, ce n’est pas un processus homogène pour tous les Etats, l’URSS et le bloc soviétique jusqu’en 1991 n’avaient que peu d’égards pour cette conception des droits fondamentaux.
L’expression « Libertés et droits fondamentaux » en elle-même est une expression récente qui vient d’Allemagne et qui a cours depuis les années 1970. En effet, au sortir de la seconde guerre mondiale, le législateur allemand a adopté la loi fondamentale du 23 mai 1949 qui compte une liste de droits subjectifs qui ne peuvent pas être remis en cause.
En France, le juge et le législateur utilisent peu cette expression. En revanche, la Constitution, dans son article 61-1 se réfèrent aux « droits et libertés que la Constitution garantit ». Il y est également fait référence pour le référé-liberté. Ainsi, le législateur français a créé une catégorie de libertés fondamentales « au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative ».
Les auteurs de doctrine distinguent généralement trois générations de droits et libertés fondamentaux.
La première génération est celle des droits qui s’exercent contre ou en dehors de l’Etat et qui visent à préserver la liberté individuelle. Ce sont ceux hérités de la philosophie libérale majoritaire lors de la Révolution française de 1789. Ils sont pour la plupart contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
La deuxième génération est celle des droits inspirés par la philosophie égalitariste, ce sont des « droits-créances » : droit au travail, à la protection sociale, à la protection de la santé…
Enfin, la troisième génération est plus hétérogène et rassemble les droits à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le droit à la paix, etc. Au niveau français ils sont contenus dans la Charte de l’environnement de 2004, mais également dans des textes internationaux.
Les libertés fondamentales connaissent forcément des limitations.
En effet, elles font généralement l’objet d’une conciliation entre elles ou avec un motif d’intérêt général. Cette conciliation s’explique par le fait qu’il n’existe pas de hiérarchie entre libertés fondamentales de rang constitutionnel. Par exemple, le Conseil constitutionnel explique que la liberté d’entreprendre n’est « ni générale, ni absolue » et doit être conciliée notamment avec l’exigence de protection de la santé publique (Décision n°90-283 DC du 8 janvier 1991, loi relative à la lutte contre le tabagisme).
L’autre motif de conciliation est l’intérêt général. Le Conseil constitutionnel effectue, par exemple, une conciliation entre le droit de grève et la continuité des services publics (Décision n°79-105 DC du 25 juillet 1979, droit de grève à la radio-télévision française).
Il est nécessaire de comprendre que le principe de proportionnalité est l’instrument essentiel de la conciliation des libertés. Le juge devra toujours faire la balance entre les libertés fondamentales d’un côté et les impératifs de l’ordre public de l’autre.
Ce principe de proportionnalité a été dégagé dans l’arrêt Benjamin (CE, 19 mai 1933, Benjamin), qui portait sur le contrôle des mesures de police administrative générale.
En France, et au niveau de l’Union européenne, les libertés fondamentales sont énumérées limitativement, mais le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme continuent le travail d’identification et de protection de ces libertés et des garanties subséquentes.
Annexe 1 : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.
Article 1
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
Article 2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
Article 3
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 4
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5
La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article 6
La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7
Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.
Article 8
La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9
Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Article 12
La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Article 13
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15
La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16
Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Article 17
La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Source : Conseil constitutionnel
Annexe 2 : Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales
https://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf
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