Des enfants, âgés de 7 à 10 ans, jouent dans un jardin à l’occasion du goûter d’anniversaire de leur camarade, Yann. Deux enfants, Antoine et Mathieu simulent, comme à leur habitude, un combat de cape et d’épée mouvementé.

La cavalcade infernale commence, rien ne peut plus les arrêter.  Ils se poursuivent, font des cascades, ils gravissent les marches d’un escalier en pierre. Antoine chevauche un mur puis se dresse fièrement pour mieux attaquer son jeune adversaire ; Mathieu, resté au bord de l’escalier, ne se laisse pas impressionner et continue de plus belle la lutte acharnée. Vaillamment, ils poursuivent leur combat sous les yeux ébahis de tous leurs camarades.

Soudainement, le mur s’effondre. Dans sa chute, le pauvre Antoine, l’épée à la main éborgne Mathieu et reste au sol sans pouvoir se relever.

Le mur était fragile et s’affaissait régulièrement depuis quelques temps.

Identification des parties à l’instance :
Demandeurs : les parents de Mathieu et les parents d’Antoine
Défendeurs : les parents d’Antoine – le Maire et le Maçon

Les problèmes de droit : 
Qui est responsable du dommage causé à Mathieu ? 
Qui est responsable du dommage causé à Antoine ?


Les arguments des demandeurs : 
Les parents de Mathieu engagent une action en responsabilité contre les parents d’Antoine. La loi considère que les parents sont responsables des dommages causés par leur enfant mineur (article 1242 alinéa 4 du code civil).
Les parents d’Antoineengagent des actions en responsabilité contre le maire d’une part et le maçon d’autre part, qui ont commis une faute dans l’exercice de leur profession. Le terrain n’étant pas constructible du fait de son caractère sablonneux, le maire qui a délivré le permis de construire pour le mur a commis une faute. Il aurait dû faire procéder à l’examen des sols par un expert. Le maçon n’a pas obéi aux normes d’usage lorsqu’il a édifié le mur : il n’a pas fixé les pierres entre elles et s’est contenté de les poser l’une sur l’autre en utilisant un mortier trop humide.

Les arguments des défendeurs : 
Selon les parents d’Antoine: Antoine, âgé de 7 ans, n’a pas eu conscience de son acte au moment où il l’a commis. En l’absence de capacité de discernement, il n’est pas possible de retenir contre lui une faute susceptible d’engager sa responsabilité. Or, les parents ne peuvent pas être présumés responsables d’une faute qui n’a pas été commise. 
Le maire et le maçonn’invoquent pas d’arguments pour leur défense : le rapport d’expert commandé par le juge montre bien que des fautes ont été commises.

La solution des juges :

Concernant l’action engagée par les parents de Mathieu : Antoine, quel que soit son âge, est gardien de la chose qu’il détient entre ses mains (le bâton) et est, de ce fait, responsable des dommages que cette chose peut causer (Assemblée plénière 9 mai 1984 : Epoux GABILLET contre Epoux NOYE).Comme les parents d’Antoine sont responsables du fait de leur enfant (Assemblée plénière 9 mai 1984 : FULLENWARTH contre FELTEN), ils doivent dédommager les victimes des dommages causés par leur enfant. Ils ne peuvent se dégager de cette responsabilité qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime (Cour de cassation 19 février 1997 : Monsieur X contre M. DOMINGUES et autres).

Concernant l’action engagée par les parents d’Antoine : le maire et le maçon ont commis une faute à l’origine de la paralysie de l’enfant (Assemblée plénière 9 mai 1984 : LEMAIRE , VERHAEGHE, contre DECLERCQ). Il y a partage de responsabilité : le maire et le maçon doivent dédommager ensemble, à proportion de leur degré de responsabilité évalué par le juge, les parents d’Antoine pour le préjudice subi.