Pas de présomption d’innocence invocable lors d’un licenciement (en l’absence de poursuites pénales)
Les faits
Medhi est salarié de la société Euro Disney depuis 1992. En 2012, une procédure d’instruction a été engagée à propos de faits contraires à la législation sur les stupéfiants commis au sein du parc d’attractions. C’est dans ce cadre que Medhi a été auditionné par les services de police et qu’un procès-verbal de l’audition a été dressé. A l’issue de cette audition, il n’a été ni mis en examen ni condamné.
La société Euro Disney a tout de même décidé de procéder à son licenciement pour faute, en se fondant sur des éléments extraits du dossier pénal qui avait été ouvert à l’encontre de Medhi. Ce dernier a contesté cette décision.
La cour d’appel de Paris saisie de cette affaire, a fait droit à la demande de Medhi en annulant le licenciement, car elle estime que la présomption d’innocence de ce dernier n’a pas été respectée. La société Euro Disney n’étant pas satisfaite de cette décision, a exercé un pourvoi en cassation.
Problème de droit
Un employeur viole-t-il la présomption d’innocence en licenciant un de ses salariés à partir d’éléments issus d’un dossier pénal qui le concerne ?
Parties
Société Euro Disney = demandeur
Medhi = défendeur
Demandes des parties
La société Euro Disney demande à la Cour de cassation de casser l’arrêt d’appel et de prononcer la validité du licenciement de Medhi car elle estime qu’elle n’a pas violé sa présomption d’innocence en fondant sa décision de licenciement sur des éléments issus d’une audition qui a eu lieu dans le cadre d’une procédure pénale. Elle affirme que, certes la présomption d’innocence est un principe fondamental du droit pénal et de la procédure pénale, mais elle ne constitue pas une liberté fondamentale dont l’atteinte justifierait la nullité du licenciement de Medhi.
Medhi soutient quant à lui que sa présomption d’innocence a été violée car il a été licencié pour des faits à propos desquels il n’a été ni poursuivi ni condamné pénalement. Il demande donc la nullité de son licenciement. Au soutien de sa demande, il affirme qu’il a subi un trouble manifestement illicite constitué par la violation du secret de l’instruction (car des éléments de l’audition ont été dévoilés). Il soutient également que la présomption d’innocence est une liberté fondamentale dont la violation justifie la nullité de son licenciement.
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que la présomption d’innocence interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable d’une infraction pénale, avant qu’elle ne soit condamnée, n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale, pour licencier l’un de ses salariés ( alors même que le salarié n’a finalement pas été poursuivi pénalement ).
Les juges précisent également que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, donc le choix du licenciement ( = sanction disciplinaire ) est autonome. Ainsi, le licenciement d’un salarié par l’employeur ne viole pas le principe de la présomption d’innocence. L’employeur peut donc licencier un salarié pour des faits qui sont identiques à ceux qui sont concernés par une procédure pénale, sans violer la présomption d’innocence.
Cour de cassation, ch. sociale, 13 Décembre 2017