Les « gens du voyage » ne sont pas les « Roms »

1- Mais qui sont les « gens du voyage » ?

On entend souvent parler des Tsiganes, Gitans, Manouches, Roms, Sinti, Kalés, Voyageurs, Gens du voyage, … pour désigner une catégorie de personnes sans pouvoir dire réellement à quoi renvoient ces termes. En France, la seule appellation « Gens du voyage » a été retenue. Le terme  » nomade  » utilisé par la loi du 16 juillet 1912 a disparu de la législation avec la loi du 3 janvier 1969.

La catégorie des gens du voyage renvoie en fait à une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre.

D’une façon générale, on distingue les « Gens du voyage » des « Roms ». Les « Gens du voyage » regroupe des individus appartenant à des cultures diverses, qui possèdent pour la très grande majorité la nationalité française et qui ont un mode de vie traditionnel fondé à l’origine sur la mobilité et le voyage. Quant aux « Roms », ils renvoient à des étrangers migrants qui étaient sédentaires avant leur venue en France pour fuir les difficultés économiques et les discriminations dont ils souffraient dans leur pays (pays d’Europe centrale et orientale).

La particularité des gens du voyage réside aussi bien dans leur mode d’habitation que dans leur spécificité culturelle. Leurs principales caractéristiques sont les suivantes : une organisation structurée autour du nomadisme, le respect des traditions, l’usage d’une langue à caractère essentiellement oral et elle-même fractionnée en de nombreux dialectes, une solidarité familiale affirmée, une tradition d’activités indépendantes et polyvalentes.

2- Quelles sont les communautés diverses qui constituent les « gens du voyage » ?

La notion « gens du voyage » n’est utilisée qu’en France et en Belgique. Les autres États de l’Union et les institutions européennes emploient le mot «Roms» pour désigner l’ensemble de leurs populations tsiganes. En fonction de leur origine, on distingue plusieurs groupes de gens du voyage :

  • Les tziganes sont originaires du nord-ouest de l’Inde, région qu’ils auraient quittée, autour de l’an mil sous la pression d’envahisseurs musulmans. Ils auraient atteint l’Europe occidentale au XVe siècle. Au XIXe siècle, une deuxième migration de tziganes est liée à la suppression de l’esclavage dans les principautés roumaines de Modalvie et de Valachnie (1856) qui poussent plusieurs milliers de Roms aux quatre coins de la Terre. Cette migration est concomitante au redéploiement des tziganes d’Europe occidentale, notamment les Manouches et Yéniches qui quittent l’Alsace-Lorraine à partir de 1850, puis en 1871. A partir de 1960, une troisième migration concerne à nouveau des Tziganes originaires de l’Europe de l’Est, par vagues successives. Une première vague est le fait de tziganes yougoslaves qui cherchent à s’insérer comme travailleurs immigrés dans des pays plus industrialisés. D’autres vagues, essentiellement yougoslaves, se concrétisent souvent par le développement d’une économie de cueillette. A la fin de la décennie quatre-vingt, de nouvelles vagues poussées par les difficultés économiques croissantes des pays de l’ancien bloc soviétique concernent surtout des ressortissants roumains.

Parmi les communautés tziganes, trois groupes principaux peuvent être identifiés :

– Les Manouches (de l’indien  » Manusch  » qui signifie homme) ou Sinti qui se trouvent essentiellement en Belgique, en France (dans le nord et l’ouest, essentiellement des marchands), en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Luxembourg ;

– Les Gitans qui sont surtout localisés en Espagne (Andalousie et Catalogne), en France (Provence, Languedoc-Roussillon), au Portugal et en Italie ;

– les Roms (mot qui signifie homme en Romani, langue dérivée du sanscrit), dernier groupe arrivé en Europe occidentale, qui sont répartis dans presque tous les pays européens mais surtout en Europe de l’Est. Ils sont les plus concernés par les problèmes de migration Est-Ouest, provoqués par les bouleversements politiques et économiques de l’Europe de l’Est.

  • Les Yeniches sont d’origine germanique et ont depuis plusieurs générations adopté le mode de vie et les coutumes des Tziganes.
  • Enfin, dans une dernière catégorie, peuvent être rangés des individus isolés ou membres de multiples groupes, qui vivent en habitat mobile.

3- On dit que les gens du voyage sont victimes de discriminations. Lesquelles ?

Quelques discriminations :

  • Obligation d’attendre trois années avant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales au lieu de six mois dans les conditions du droit commun
  • Obligation de détenir un titre de circulation et de le faire viser régulièrement par les autorités administratives, sous peine d’une amende, voire d’une peine d’emprisonnement.
  • À partir de 16 ans, un membre de la communauté des gens du voyage doit être rattaché administrativement à une commune et devait être titulaire d’un titre de circulation.

Ces discriminations ont été dénoncées, à plusieurs reprises, par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’égalité (HALDE, institution remplacée par le Défenseur des droits). Dans ses délibérations n° 2007-372 du 17 décembre 2007 et n° 2009-143 du 6 avril 2009, la HALDE a vivement critiqué le dispositif des titres de circulation, contraire à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatif à la liberté de circulation des personnes, et l’article 14 de la CEDH qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement prévu par l’article 2 de son protocole n° 4.

Le Défenseur des droits a également souligné, dans une de ses premières décisions, « l’entrave directe et excessive » de l’accès au droit de vote des « Gens du voyage » et cette « discrimination directe » à leur encontre « dans l’accès à l’un des droits les plus élémentaires du citoyen, le droit de vote, fondement essentiel d’une société démocratique. »

Le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a également recommandé à la France de remédier à plusieurs conséquences « liées au statut juridique particulier des Gens du voyage français ».

Le Conseil constitutionnel a jugé que la fréquence des contrôles et les peines encourues étaient une «atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’aller et venir». Le fait que seuls les gens du voyage sans revenus fixes soient concernés par ces mesures constituait pour les juges une «différence de traitement», et donc une rupture du principe d’égalité.

4- Statut actuel

Ainsi, les nouvelles dispositions issues de la décision du Conseil Constitutionnel suppriment les obligations de visas à intervalles réguliers des titres de circulation, ainsi que les restrictions au droit de vote.

    • Les titres de circulation : La loi du 27 janvier 2017 supprime le titre de circulation pour cette population et inscrit les gens du voyage dans le droit commun de la procédure de domiciliation prévu aux articles L.264-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles. Le décret d’application du 2 novembre 2017 précise ce dispositif par l’établissement d’une liste des justificatifs à présenter pour bénéficier des dispositions prévues en matière de domiciliation.
    • Droit de vote: Pour accéder au droit de vote, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012, les gens du voyage disposent des mêmes droits que les autres Français, un rattachement à la commune ininterrompu de six mois suffit.
  • La domiciliation. Les gens du voyage sont classés comme des «sans-résidence fixe», la caravane n’étant pas considérée comme un logement. La loi du 5 juillet 2000 impose aux communes de plus de 5000 habitants de réaliser des aires d’accueil. Pour obtenir un emplacement, que l’on peut conserver pendant trois à neuf mois, il faut en faire la demande en mairie et payer une redevance.