Faits :

Le 1 er mai 2019, quelques heures après l’intrusion de manifestants sur le site de l’hôpital la Pitié-Salpêtrière, Christophe Castaner (ministre de l’intérieur au moment des faits) postait un tweet : « Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l’ordre : elles sont la fierté de la République ».

Deux élus communistes (la députée européenne Marie-Pierre Vieu et le sénateur Pierre Ouzoulias) ont saisi le 10 mai 2019 le tribunal de grande instance de Paris en référé pour demander à Twitter France le retrait de ce tweet qu’ils considèrent comme une fake news en période de campagne pour les élections européennes.

Problème de droit :  Le juge est-il compétent pour mettre fin à une fake news pendant une période électorale ?

Les parties :

Demandeur : La députée européenne Marie-Pierre Vieu et le sénateur   Pierre Ouzoulias

Défendeur : Christophe Castaner (ministre de l’Intérieur)

Les arguments des demandeurs :

Selon les demandeurs, le tweet de Monsieur Castaner s’est révélé faux et ces événements n’ont jamais eu lieu ;

Ils en veulent pour preuve un article du journal Le Figaro qu’ils produisent et qui évoque une intrusion de manifestants dans l’enceinte de l’hôpital, lors d’une scène très courte et non violente ;

Selon le journal Le Monde, un témoin a expliqué que les manifestants se sont introduits dans l’hôpital, pour se protéger des gaz lacrymogènes qui étaient lancés dans la rue ;

Les propos du ministre de l’Intérieur visent à faire croire à un climat de violence pour faire jouer le ressort de la peur et du chaos, ce qui a pour unique but de perturber la campagne des élections européennes ;

Le juge des référés doit donc ordonner la suppression du tweet de Monsieur Castaner en appliquant l’article L.163-2 du code électoral (qui permet le retrait par le juge des référés d’une fausse information en période électorale).

Les arguments du défendeur :

Selon Christophe Castaner, son tweet visait à assurer son soutien aux forces de l’ordre dans un climat social tendu.

Quelques temps après, Castaner reconnait que : « Le mot « attaque » m’est venu après avoir entendu le récit ému des personnels. Retenez le terme que vous voudrez. Je n’aurais pas dû l’employer, « intrusion violente » est en effet mieux adapté. »

Solution des juges :

Selon le tribunal, le message rédigé par Monsieur Christophe Castaner apparaît exagéré car il évoque le terme d’attaque et de blessures. Toutefois, cette exagération porte sur des faits qui, eux, sont réels, à savoir l’intrusion de manifestants dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 1 mai 2019.

S’agissant de la fausse information en période électorale, l’article L.163-2 du code électoral fixe des critères pour que le juge ordonne le retrait de l’information en question. Le juge des référés doit apprécier le caractère manifeste du risque d’altération de la sincérité du scrutin, lié à la diffusion de ce tweet.

Le tweet de Monsieur Castaner est exagéré mais n’est pas une manipulation de l’opinion des électeurs puisque ces derniers se sont rapidement rendu compte par les différents démentis de la presse écrite et d’internet.

  1. Pourquoi les fake news sont-elles dangereuses ?

Les fake news représentent un réel danger car elles visent les manipulations en tout genre (politiques, que sanitaires, économiques, sociales, etc.)

En faisant passer le « faux » pour du « vrai », les fake news sèment le trouble dans l’esprit du public et peuvent exciter certaines personnes, des mouvements de foule etc.

Les fake news ont donc pour effets d’amuser, de se moquer, de blesser, de choquer, d’enrôler, d’influencer ou même de tuer.

En matière politique, une fake news concernant une personnalité politique, une fois relayée en masse sur internet peut facilement ternir l’image de ce dernier. Sur le plan social, dans le cadre d’un climat social tendu, les partages sur les réseaux sociaux de fake news peuvent engendrer des polémiques pouvant aller jusqu’au recours à des cas de violences.

  • Comment peut-on truquer des images ou des vidéos ?

Les nouvelles technologies de fabrication permettent très facilement de falsifier des images. Il existe plusieurs techniques. Par exemple, le deepfake, ou hypertrucage est une technique de trucage qui consiste à superposer des fichiers vidéo ou audio existants sur d’autres fichiers vidéo (par exemple changer le visage d’une personne sur une vidéo) ou audio (par exemple reproduire la voix d’une personne pour lui faire dire des choses inventées).

  • Pourquoi la diffusion des fake news est-elle si rapide ?

Du fait de la viralité des réseaux sociaux, les fakes news se propagent assez rapidement. En effet, quelques clics suffisent pour voir une information faire le tour de l’ensemble des réseaux sociaux.

Toutefois, les réseaux sociaux ne sont pas les seuls moyens de diffusion des fake news ; les systèmes de messagerie instantanée, diversifiés par l’usage massif des smartphones (SMS, MMS, mails, appels, Whatsapp et Skype) sont autant de moyens utilisés permettant de diffuser les fake news.

Etant donné que les fake news jouent sur le sensationnel et l’émotionnel, on a tendance à réagir impulsivement très vite sans malheureusement prendre le temps de la vérification et de la réflexion.

  • Qu’en est-il des fake news en période électorale ?

L’article 163-2 du code électoral dispose que le juge des référés peut faire cesser la diffusion de toute fausse information. Les conditions de cet article sont :

-pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du tour de scrutin,

-lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne,

 -à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir

Le juge des référé (qui se prononce dans un délai de 48 heures à compter de la saisine) peut prescrire aux hébergeurs ou, à défaut, aux fournisseurs d’accès à Internet toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion.

TGI Paris, 17 mai 2019, n° 19/53935

Les fakes news en période de campagne électorale ?