Mathilde a 22 ans. Elle est jeune diplômée en tant qu’ingénieur en informatique. Compte tenu du marché de l’emploi actuel, elle se dit qu’elle va trouver un poste intéressant rapidement. Quelques mois passent… Elle a multiplié les entretiens mais aucune entreprise ne veut l’embaucher. Elle s’interroge et commence à comprendre que le fait de circuler en fauteuil roulant constitue un handicap non seulement dans les actes de la vie quotidienne (se déplacer, se laver, préparer à manger…) mais également dans le cadre de l’accès à l’emploi. Pourtant, tous ses camarades de promotion ont déjà trouvé un travail. Est – ce que le fait d’être assise sur un fauteuil la rendrait moins performante ?

Ali a 22 ans. C’est un jeune commercial diplômé… Malgré les dizaines de CV envoyés, aucun entretien d’embauche ne lui a été proposé. Est – ce que le fait d’avoir des parents nés en Algérie le rendrait moins performant ?

Malheureusement, les comportements discriminatoires font de nombreuses victimes dans notre société. Le domaine de l’emploi n’est pas le seul concerné. La loi a mis en place des moyens pour les sanctionner. Il est important de les utiliser mais encore faut-il les connaître…


Au regard de la loi, que recouvre le terme de discrimination ?

Par discrimination, il faut entendre une différence de traitement visant à mettre certaines catégories de personnes dans une situation moins favorable que les autres. C’est cette différence de traitement que la loi sanctionne.

Il ne faut pas confondre discrimination et racisme. Ce sont deux notions différentes :

– la discrimination vise une différence de traitement c’est à dire un désavantage à l’encontre de certaines personnes

– le racisme relève d’un état d’esprit, un ressenti qu’ont des individus contre d’autres en raison de leur origine

La loi punit les comportements discriminatoires à l’encontre des personnes en raison de leur :

– état de santé ou handicap
– origine
– sexe
– opinion politique, religieuse, syndicale
– situation de famille
– orientation sexuelle
– apparence physique
– patronyme
– caractéristique génétique
– âge

La loi ne punit les comportements discriminatoires que s’ils ont pour conséquence une différence de traitement dans les domaines suivants :

– L’EMPLOI : embauche, conditions de travail…

Par exemple : licenciement d’une personne sans qu’une faute ne lui soit reprochée et suite aux propos incessants du responsable du personnel lui reprochant d’être vieux et gros ; l’absence totale d’évolution pour les femmes de services ; un maire exigeant que le personnel de la mairie soit adhérent de son parti politique

– L’ACCES AUX BIENS ET SERVICES : logement, loisirs, accès au service public

Par exemple : refus d’un barman de servir des clients homosexuels ; un propriétaire qui exige que ses locataires n’accueillent pas de gens de couleurs ; refus de louer un appartement à une personne handicapée

– L’EXERCICE D’UNE ACTIVITE ECONOMIQUE : implantation d’une entreprise, continuité de l’activité…

Par exemple : un maire qui refuse les agréments obligatoires pour l’ouverture d’un restaurant turc ; un fournisseur retarde volontairement une livraison destinée à une boucherie casher

Les sanctions …

La loi punit les comportements discriminatoires de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende (article 225-1 à 225-3 du code pénal). Si l’auteur du comportement discriminatoire est un agent dépositaire de l’autorité publique (fonctionnaire, agent de police, professeur, agent d’accueil d’une administration…), la sanction est plus sévère : 5 ans de prison et 75 000 € d’amende.

La loi prévoit également la nullité de tout acte discriminatoire. Par exemple : nullité d’un licenciement motivé par un comportement discriminatoire. Le salarié a le choix entre être réintégré dans son emploi ou recevoir une indemnité correspondant à au moins 6 mois de salaire (article L. 122-45-2 du code du travail).

Ce qu’il faut faire…

La victime ou le témoin d’un comportement discriminatoire peut saisir

la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) en téléphonant au 08 1000 5000 ou écrire à l’adresse suivante : 11, rue Saint-Georges – 75 009 PARIS.

Il est aussi conseillé de porter plainte au commissariat de police ou à la gendarmerie ou en adressant un courrier au procureur de la République. Vous pouvez aussi prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé qui appréciera pour votre cas particulier quelle est la meilleure suite à donner.

Le problème de la preuve…

La question de la preuve est souvent la plus difficile à résoudre en matière de discrimination. Souvent, les comportements discriminatoires sont « non-dits ». Alors comment faire ?

En matière pénale, la preuve peut être établie librement c’est à dire par tout moyen : témoignages, attestations, écrits, enregistrement audio-visuels, constat d’huissier… C’est au juge d’en apprécier la valeur afin de se forger sa propre conviction.

En matière civile, le principe est celui de la loyauté de la preuve. Les seules preuves recevables sont des témoignages, des attestations, des écrits. Toutefois, un aménagement de la charge de la preuve a été prévu par la loi en matière d’emploi et de logement, pour tous les critères de discriminations, ainsi qu’en matière de discrimination fondée sur l’origine, dans tous les domaines.

La victime doit simplement présenter des éléments de fait laissant présumer l’existence d’une discrimination et c’est à celui qui est accusé de prouver que la mesure en cause est fondée sur des éléments objectifs, indépendants de toute intention discriminatoire. C’est donc sur lui que pèse la responsabilité de la preuve.

Par exemple, une employée ne bénéficie d’aucun avancement alors qu’elle est plus ancienne et aussi diplômée que d’autres salariés qui sont augmentés. Elle peut prouver que les évaluations de son travail ont toujours été bonnes. Des témoins peuvent rapporter des propos moqueurs tenus par les responsables de l’entreprise sur les femmes. Ces derniers devront alors rapporter la preuve que le défaut d’avancement de cette employée est justifié par des éléments objectifs (son manque de compétence, des absences répétées et non justifiées, le refus de prendre des responsabilités…) et non sur le seul fait qu’elle est une femme.

Dans tous les cas, il est important de recueillir le maximum de témoignages en faisant rédiger aux personnes présentes au moment des faits des attestations détaillées (voir modèle – http://www.justice.gouv.fr/Formulaires/particuliers/Form11527v02.pdf).

Le savais – tu ?

Une expérience a été menée par l’observatoire des discriminations en mai 2004. Elle a consisté en l’envoi de CV et lettres de motivations en réponse à 258 offres d’emploi. Les candidatures étaient les mêmes sauf sur un critère : nom de famille à consonance étrangère, mention d’un handicap, photographie montrant un visage disgracieux, mention de l’âge, du sexe… Cette expérience a montré que dans le domaine de l’accès à l’emploi, les personnes handicapées et les personnes d’origine étrangère ont le moins de chance d’accéder à un premier entretien professionnel. La personne handicapée a reçu 15 fois moins de réponses positives qu’un candidat de référence (un homme blanc de peau âgé d’une 30aine d’année) ; l’homme d’origine marocaine, 5 fois moins ; l’homme de 50 ans, 4 fois moins.

Une autre expérience a été menée en avril 2005. Cette fois, tous les CV étaient les mêmes, sans faire mention de la différence sujette à discrimination. Les résultats sont surprenants. Le candidat reconnaissant son handicap sur son CV en 2004 n’avait obtenu que 5 réponses positives sur 258 envois. En 2005, il n’a pas précisé son handicap sur son CV, a été reçu à des entretiens et a finalement obtenu 82 réponses positives sur 325 envois.

En conclusion, même si des phénomènes discriminatoires persistent lors d’entretiens, les préjugés peuvent tomber lors d’un face à face où l’employeur peut se rendre compte des qualités et compétences du candidat.