Le terme anglais « streaming » signifie « flux de données ». En pratique, ce flux de données permet de lire un média en direct, telle qu’une émission de télévision en replay ou un épisode de sa série préférée. Bien que le terme soit surtout connu à propos d’Internet (aussi appelé « le web »), le streaming existait bien avant lui, avec la télévision ou la radio par exemple. Plus généralement, on considère de nos jours que le streaming concerne toute activité du web qui consiste à lire un contenu audio ou vidéo sans avoir à le télécharger.
Il inclut ainsi les sites de streaming de vidéos comme You Tube ou Daily motion, mais également les Web radios (radios en ligne), les services de musique en ligne tels que Deezer ou Spotify. Autrement dit, le streaming permet à un ordinateur ou smartphone par exemple, de lire un fichier à distance, sans avoir à le télécharger, donc sans avoir à le stocker de façon illimitée dans la mémoire de son appareil.
Beaucoup de questions entoure la pratique du streaming. Le dossier de ce mois-ci fait le point sur cette pratique de plus en plus répandue.
Le streaming est-il légal ?
En soi, le streaming est tout à fait légal. On entend par streaming légal, le contenu qui est visionné en streaming, généralement grâce à Internet, par les utilisateurs, à partir de plateformes respectueuses du droit d’auteur.
Depuis quelques années, l’offre de streaming légal a considérablement évolué. En plus de la célèbre plateforme Netflix, de nombreux créateurs et diffuseurs de contenus ont proposé leurs programmes en ligne.
Ainsi, deux modèles de streaming se sont rapidement imposés :
- La souscription d’un abonnement pour accéder à une plateforme de vidéo en ligne (OCS, Netflix…) ;
- Le visionnage de contenus gratuits en ligne mais avec des interruptions publicitaires fréquentes (comme 6play, MyTF1…).
De très nombreux contenus multimédia sont protégés par des droits d’auteur et peuvent être accessibles après paiement d’une certaine somme d’argent.
Le streaming illégal existe-t-il vraiment ?
Certains sites ou plateformes permettent d’accéder gratuitement à des contenus normalement protégés par le droit d’auteur, par le piratage de leur distribution et de leur accès. On parle de piratage lorsque les droits d’auteur sont violés par une personne. Cette personne est alors appelée « pirate ». Par exemple, les personnes qui proposent le visionnage gratuit d’une série protégée par le droit d’auteur, via un site internet, piratent la distribution et l’accès à cette série.
Selon une étude de Médiamétrie publiée en 2015, 13,5 millions d’internautes consomment chaque mois des vidéos dites illégales, soit 1,8% de plus qu’en 2013 et 18,5% de plus qu’en 2009. Il y a donc une nette augmentation de la consommation de vidéos dites illégales par les internautes au fil du temps.
Pour autant, la loi sanctionne-t-elle ceux qui pratiquent le streaming dit illégal ?
Sur cette question, il existe une sorte de « vide juridique », en ce que le législateur ne s’est pas encore prononcé formellement sur la question.
A la lecture du Code de la propriété intellectuelle, il convient de distinguer deux situations :
- La première situation concerne le cas d’un internaute qui mettrait à la disposition d’autres utilisateurs, en streaming sur Internet, des œuvres protégées, sans avoir obtenu l’autorisation de l’auteur en question desdites œuvres. Dans cette hypothèse, l’auteur commet un délit de contrefaçon, tel que prévu et sanctionné aux articles L. 335-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Il encourt ainsi une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Le pirate peut être poursuivi par l’auteur de l’œuvre mais également par d’autres personnes titulaires de droits voisins du droit d’auteur, même s’il a par exemple légalement acheté le film qu’il propose à la lecture en streaming de façon illicite.
- La seconde situation renvoie au cas d’un internaute qui visionnerait ou écouterait en streaming une œuvre protégée, sans que l’auteur de l’œuvre ait autorisé au préalable la diffusion de cette dernière. En l’état actuel du droit, un internaute qui aurait recours à cette forme de streaming ne risque quasiment rien.
En effet, il ne peut être coupable de contrefaçon puisqu’il n’a pas téléchargé la vidéo et n’a donc pas stocké de fichier sur son ordinateur.
L’internaute bénéficie, dans ce cas, de l’exception de la « reproduction provisoire » (la lecture en streaming d’une vidéo, par exemple, ne génère qu’un stockage temporaire des données ; il y a donc une reproduction seulement provisoire) prévue par l’article L. 122-5 6° du Code de la propriété intellectuelle, lui permettant d’échapper au délit de contrefaçon.
Cet état actuel du droit français (on parle de droit positif pour désigner le droit applicable), a été confirmé par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Par un arrêt « Public Relations Consultants Association Ltd contre Newspaper Licensing Agency Ltd » en date du 5 juin 2014, la Cour a en effet considéré qu’un internaute ne viole pas le droit d’auteur lorsqu’il regarde ou écoute du contenu en streaming car il n’y a pas de téléchargement non provisoire du contenu. En cela, le comportement de l’internaute n’enfreint pas l’article 5 de la Directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, du 22 mai 2001.
En d’autres termes, l’internaute qui consommerait des œuvres protégées par le droit d’auteur en les « streamant » sans autorisation de l’auteur de l’œuvre ne peut être considéré à proprement parler comme un « pirate » ni comme un contrefacteur.
Si les auteurs des œuvres protégées ne peuvent rien faire contre les internautes « streamant » leurs œuvres, ils peuvent en revanche agir en contrefaçon contre les éditeurs et hébergeurs des sites permettant leur diffusion illégale.
La distinction streaming – téléchargement
La confusion entre le streaming et le téléchargement est souvent opérée alors qu’il s’agit de notions différentes. Deux éléments permettent de différencier ces deux opérations : le temps d’attente, d’une part, et la qualité, d’autre part.
Lorsqu’un film est regardé en streaming ou de la musique écoutée par ce même moyen, il n’y a généralement que très peu d’attente, voire par d’attente du tout, dans la mesure où la diffusion du fichier démarre dès que l’utilisateur appuie sur le bouton « play ».
Les quelques soucis de lecture peuvent provenir de la qualité de la connexion internet ou du serveur qui héberge le contenu. Dans ces situations, la qualité du contenu peut être affectée (image moins nette, qualité du son moins bonne…).
Le téléchargement d’un fichier, en revanche, suppose généralement d’attendre la fin du téléchargement avant de pouvoir visionner et/ou écouter son contenu. Les données du fichier étant stockées, il est possible d’en utiliser le contenu partout, avec ou sans connexion, tout en préservant la même qualité du contenu en question.
Comme pour le streaming, le téléchargement est une opération légale, tant qu’il respecte les œuvres protégées par le droit d’auteur. A l’inverse, le téléchargement illégal d’œuvres protégées, c’est-à-dire le téléchargement d’œuvres protégées mises à la disposition du public sans autorisation, est interdit.
En effet, le Code de la propriété intellectuelle considère qu’il s’agit du délit de contrefaçon sanctionné à l’article L. 335-2. Cet article prévoit que :
« Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit »
La contrefaçon est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende d’après ce même article.
Lorsque le délit est commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500.000 euros d’amende, toujours selon l’article L. 335-2.
En pratique, cette sanction est plutôt encourue par ceux qui sont responsables de sites de téléchargement. Dans la majorité des cas, c’est une procédure spéciale qui peut parfois aboutir à une contravention, qui s’enclenche en cas de téléchargement illégal, en application du dispositif prévu par les lois Hadopi. Ce dernier prévoit une graduation dans les mesures prises à l’encontre des internautes.
Le rôle de l’HADOPI
La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, à laquelle il est généralement fait référence par l’acronyme « HADOPI », est une institution chargée de lutter contre le piratage sur Internet, c’est-à-dire contre le téléchargement illégal par des utilisateurs via des plateformes de partage de fichiers (appelés réseaux « peer to peer »). Ainsi, la HADOPI n’a pas vocation à sanctionner les personnes qui ont recours au streaming dit illégal mais seulement celles qui pratiquent le téléchargement illégal.
Lorsque des internautes ont recours au téléchargement illégal, la HADOPI doit alors suivre une procédure spécifique pouvant aboutir à la sanction de ces derniers. Cette procédure implique plusieurs étapes :
- Les ayant-droits (ceux qui ont des droits sur l’œuvre piratée) doivent saisir la HADOPI. Celle-ci doit ensuite adresser un email d’avertissement à l’adresse indiquée par le « pirate » lors de la souscription de son abonnement à Internet. A la réception de cet email, l’utilisateur peut demander la liste des fichiers pour lesquels la procédure est initiée et présenter ses observations à l’aide du formulaire de réponse dédié.
- En cas de récidive (si l’utilisateur télécharge à nouveau de façon illégale) dans les six mois à compter de l’envoi du premier courrier, un nouvel email est envoyé à l’utilisateur. Celui-ci s’accompagne d’une lettre envoyée en recommandé à son domicile.
Entre août 2010 et avril 2011, 20 598 lettres de ce type ont, par exemple, été envoyées.
- Si l’internaute est de nouveau en état de récidive dans le délai d’un an, la Commission de protection des droits doit l’informer des risques de poursuites pénales qu’il encourt, par l’envoi d’une nouvelle lettre remise contre signature.
Elle pourra également décider de saisir le parquet, aussi appelé Ministère public, en lui transmettant le dossier, dans le but d’ouvrir une procédure pénale, autrement dit pour poursuivre l’auteur de l’infraction en justice. Dans ce cas, l’intéressé pourra alors être poursuivi pour négligence caractérisée conformément aux articles L. 335-7 et L. 335-7-1 du Code de la propriété intellectuelle et risquera une contravention de 5ème classe (c’est-à-dire la contravention la plus forte) de 1.500 € s’il s’agit d’une personne physique (un particulier) ou de 7.500 € s’il s’agit d’une personne morale (une société).
A cette contravention s’accompagnait auparavant une suspension de l’accès à Internet pour une durée maximale d’un mois. Cette peine complémentaire a cependant été supprimée par le décret du 8 juillet 2013. 90J�&��