« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »

Le transport maritime est l’un des plus anciens moyens d’échange utilisé par l’homme. Il se divise en deux grandes catégories : le transport de passagers qui a perdu de sa superbe avec l’essor du transport aérien, et le transport de marchandises qui n’a cessé de croitre avec la mondialisation. 

Les chiffres sont éloquents, 90% des marchandises transportées le sont par mer. Ce qui représente plus de 10 milliards de tonnes de marchandises transportées par an, sur près de 90.000 navires de commerce, dans 500 millions de containers.

Le transport maritime obéit à des règles spécifiques qui sont influencées d’une part par son histoire et d’autre part par les particularités du monde marin qui reste un espace dangereux et soumis à divers aléas.

  1. Les acteurs : « Tu te plais à plonger au sein de ton image »

En France, on compte 442.000 emplois liés à l’activité économique maritime. Les acteurs du secteur sont nombreux. On distingue généralement les intervenants au transport maritime des professions portuaires.

Au titre des intervenants au transport maritime, le premier est le navire qui malgré le fait qu’il soit un bien est soumis à une réglementation particulière. Il est immatriculé, tracé et inspecté de sa conception à son démentiellement.  En droit maritime on parle de navire et non de bateau, la distinction réside en ce que le bateau a vocation à naviguer dans les eaux intérieures (fleuve, lac, rivière, étang) voire à caboter[i]. Tandis que le navire lui a vocation à « affronter le péril de mer » c’est-à-dire qu’il est conçu pour faire face aux aléas maritimes (houles, tempête, grain). La distinction est essentielle car elle induit un régime juridique totalement différent notamment en termes de responsabilité.

Ensuite vient l’armateur, figure essentielle du monde maritime il est peu connu des profanes. C’est celui qui arme le navire, c’est-à-dire qu’il équipe ou fait équiper un ou plusieurs navires en vue d’une ou plusieurs expéditions. L’armateur n’est pas toujours le propriétaire du navire, il a la responsabilité de l’entretien du navire, de l’embarquement d’un équipage compétent qui est partiellement ou totalement sous sa responsabilité managériale, des fluides et matériels à fournir à bord pour que le navire puisse travailler et naviguer normalement.

Le fréteur et l’affréteur sont les parties à un contrat d’affrétement. Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur. Le fréteur, qui est soit propriétaire du navire, soit armateur, n’exploite pas le navire de manière directe, il le ‘‘loue’’ pour ainsi dire à un affréteur, qui pourra en user en contrepartie d’une rémunération : le fret.

L’assureur quant à lui joue un rôle crucial dans le transport maritime et ce bien qu’il ne participe pas à l’exploitation du navire. Historiquement, ce sont les assureurs qui ont permis le développement du transport maritime. Déjà sous la Grèce antique et jusqu’au moyen âge, le mécanisme du prêt à la grosse aventure[ii] a permis de financer un nombre important d’excursions. C’est au XVIII siècle qu’ont été fondés les P&I clubs (Protection and Indemnity Clubs), ce sont des sortes de mutuelles qui offrent des garanties et couvrent les risques qui pèsent sur le navire et les armateurs. A côté des P&I les assureurs facultés couvrent les risques encourus par la marchandise.

Du fait de l’internationalité de l’opération de transport, les relations existantes entre tous ces acteurs sont régies par des conventions internationales qui fixent les grandes lignes de la responsabilité de chacun. Les acteurs portuaires eux, sont régies par le droit national du pays où ils opèrent.

Au titre des professions portuaires, on citera les manutentionnaires (dockers, grutiers, stevedores et acconiers) chargés des opérations de chargement et de déchargement des navires marchands dans les ports de commerce. Puis viennent les lamaneurs qui à l’aide des aussières[iii] s’occupent de l’amarrage des navires, à quai et sur leurs bateaux. Les pilotes quant à eux, assistent le commandant d’un navire pour le conseiller sur les manœuvres à réaliser dans des passages difficiles comme les eaux resserrées, les chenaux et bassins portuaires, ou encore pour naviguer sur une voie maritime difficile. Enfin le remorqueur tracte un navire à l’entrée ou à la sortie d’un port maritime lorsque le navire ne peut pas réaliser seul ses opérations d’accostage ou quitter le poste à quai. 

  1. Le contrat de transport : « Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets »

Un contrat de transport désigne une convention par le biais de laquelle un transporteur professionnel s’engage à transporter une personne ou du matériel, d’un lieu à un autre. Lorsqu’il s’agit d’un transport de personnes, le contrat sera matérialisé par un billet de transport (ticket), pour un transport de marchandise on parlera d’un connaissement (Bill of lading).

Pour éviter les conflits de loi applicable et d’autres difficultés qui résultent de l’internationalité du transport, des conventions internationales précisent les obligations de chaque partie. S’agissant du transport de passager, c’est la Convention internationale d’Athènes de 1974 relative au transport par mer des passagers et de leurs bagages, qui convient d’appliquer.  Pour le transport de marchandises, il faut se référer à la Convention internationale de Bruxelles, du 25 août 1924 aussi appelée convention La Haye-Visby.

Il faut retenir qu’il pèse sur le transporteur une responsabilité importante, car il doit assurer la sécurité des passagers et des marchandises. Mais il doit également respecter les termes du contrat (durée du voyage, paisibilité etc..). Tout cela dans un environnement dangereux et imprévisible. C’est pour cela que les conventions prévoient une présomption de responsabilité du transporteur en cas de dégât subi par la marchandise, ou d’accident ayant entrainé une blessure du passager. C’est-à-dire qu’il sera dans l’obligation d’indemniser son cocontractant sauf s’il prouve que les dommages causés sont consécutifs à des évènements graves qui lui sont extérieurs (tempête, incendie, faits de guerres etc…). Comme il est très difficile d’apporter la preuve de tels faits, les conventions prévoient en parallèle, un mécanisme spécifique au contrat de transport : la limitation de responsabilité. En effet, elles précisent le montant maximum de la somme qui peut être allouée à la victime, en fonction du poids de la marchandise, ou de la nature des préjudices subis par le passager.

  1. Les évènements de mer : « Ô lutteurs éternels, ô frères implacables ! »

Il suffit de regarder une marine de Turner pour se figurer la dangerosité de la mer.  Les périls de la circulation y sont accrus, du fait de l’impuissance des navires face à la colère des cieux et aux caprices des eaux et des courants marins. C’est pour cela que le droit a dû se saisir des évènements qui peuvent frapper le navire et sa marchandise.

L’abordage, contrairement à ce que l’on pense, l’abordage ne désigne pas l’assaut d’un navire. Juridiquement, l’abordage désigne la collision en deux ou plusieurs navires. Une convention internationale de 1910 régit la question. En cas d’abordage, la règle veut que ce soit le navire fautif qui supporte les conséquences d’un abordage. En cas de faute commune, la responsabilité des navires impliqués dans l’abordage sera proportionnelle à la gravité des fautes respectivement commises. Si les abordages sont assez rares pour les navires de commerces, ils restent assez fréquents et très souvent dramatiques dans le cadre de la plaisance.

L’assistance maritime consiste en l’aide apportée à un navire en danger. Elle est aujourd’hui régie sur le plan international par la Convention internationale sur l’assistance signée à Londres le 28 avril 1989. Une règle séculaire rend obligatoire l’assistance lorsqu’il s’agit de porter secours aux personnes en danger, ou en cas d’abordage. Elle a récemment été étendue, pour prévenir ou limiter les dommages à l’environnement. L’assistance maritime aux biens (navires, marchandises, soutes, etc.) est quant à elle facultative. L’assistance doit être rémunérée. Mais seules les opérations d’assistance qui ont eu un résultat utile donnent droit à une rémunération. Il s’agit de la règle « no cure, no pay ».

L’avarie commune quant à elle est la somme des sacrifices effectués et des dépenses exposées au cours d’une expédition maritime en péril dans l’intérêt commun du navire et des marchandises. Elle est très ancienne, elle remonte au temps où l’on jetait une partie de la marchandise par-dessus bord pour éviter le naufrage. Tous les intérêts facultés[iv] de la marchandise sauvée et qui vont donc profiter de la destruction d’une partie de la cargaison pour sauver l’expédition, vont participer à l’indemnisation de ceux qui ont perdu leurs biens.

Le Remorquage maritime est la fourniture par un navire d’une force pour le déplacement en mer d’un navire ou d’un engin flottant. Il peut être hauturier comme portuaire.

Une réflexion est menée pour que soit inclus et réglementé à un niveau international le cas des catastrophes écologiques telles que les marées noires. Pour l’instant celles-ci ne sont pas considérées comme des évènements de mer et restent soumise au droit commun de la responsabilité des armateurs, affréteurs et fréteurs.

En définitive, le transport maritime reste un domaine central de l’économie mondiale. Empreint d’histoire et sans cesse en évolution, il offre nombre d’opportunités en termes de croissance et d’emplois.


[i] Le cabotage est la Navigation le long des côtes, de port en port

[ii] C’est un prêt consenti à un taux très élevé par un particulier pour financer le voyage d’un négociant au long cours. Le prêt à la grosse aventure permet de faire supporter à un tiers, le prêteur, l’exposition sur la valeur de la marchandise. En cas de naufrage, le prêteur perd sa mise, y compris l’intérêt. Le prêt a la grosse n’est sorti de notre droit qu’en mai 2009.

[iii]  Une aussière ou haussière est un gros cordage employé pour l’amarrage et le remorquage de navires.

[iv] Propriétaires et expéditeurs de marchandise.