Il apparaît souvent difficile de bien saisir les différents ensembles de règles, de lois nationales et internationales, et leur articulation entre elles.

Hans Kelsen, juriste autrichien du XIXe siècle a théorisé la hiérarchie des normes qui permet de clarifier la valeur d’une règle par rapport à une autre.

Ainsi, la norme la plus faible doit forcément respecter celle du niveau supérieur.

En général, les sources sont essentiellement des règles écrites. De la plus forte à la plus faible ce sont les suivantes : les règles internationales (accords internationaux, droit de l’Union européenne), les règles nationales (normes constitutionnelles, législatives, réglementaires ou règles de jurisprudence), et enfin locales (arrêtés municipaux).

Ainsi, une règle nouvelle :

  • Doit respecter les règles plus anciennes de niveau supérieur ;
  • Peut modifier les règles plus anciennes de même niveau ;
  • Entraîne l’abrogation (l’annulation pour le futur) des règles plus faibles contraires.

En droit français cependant, ce sont les sources constitutionnelles, rassemblées dans le bloc de constitutionnalité, qui sont les plus « puissantes ».

Ainsi, du point de vue du système juridique français, le droit international est plus faible que la Constitution et que les autres sources constitutionnelles.

Voilà ce que comporte le bloc de constitutionnalité :

Bloc de constitutionnalité :

Le bloc de constitutionnalité regroupe l’ensemble des normes de rang constitutionnel, qu’elles soient textuelles ou non textuelles : c’est l’ensemble des principes et dispositions que doivent respecter les lois.

  1. Constitution de 1958 :

L’article 1er de la Constitution consacre de grands principes en lien direct ou indirect avec les droits et libertés. Ainsi, l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, et l’égalité entre les sexes dans les fonctions électives.

Concernant le préambule de la Constitution de 1958, la décision Liberté d’association du 16 juillet 1971 permet au Conseil constitutionnel d’étendre le champ des normes dont il assure la protection.

De cette façon, il intègre dans son champ, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que, par la suite, la Charte de l’environnement.

  • 2. Déclaration des droits de 1789 ;

Elle a été intégrée au bloc de constitutionnalité en 1973 à l’occasion d’une décision du Conseil constitutionnel (Décision n°73-51 DC du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, dite « Taxation d’office »), dans laquelle le Conseil reconnaissait le « principe d’égalité devant la loi, contenu dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ».

La Déclaration des droits de 1789 constitue aujourd’hui une source essentielle des libertés et droits constitutionnels.

  • 3. Préambule de 1946 :
  • a. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;

Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République constituent des sources à mi-chemin entre les sources textuelles et les sources prétoriennes du bloc de constitutionnalité. Cette catégorie de normes est en effet mentionnée explicitement dans le Préambule de la Constitution de 1946 sans que les principes eux-mêmes y soient énumérés.

Ainsi, c’est le Conseil constitutionnel qui s’est attaché à définir les principes inclus dans cette catégorie. Pour identifier ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le Conseil constitutionnel utilise cinq critères. La source législative du principe ; un principe inscrit dans une législation républicaine ; une législation antérieure à la Constitution du 27 octobre 1946 ; avoir un caractère fondamental ; et être d’application continue.

Ainsi par le biais de décisions constitutionnelles et du Conseil d’Etat, les principes suivants ont été consacrés :

  • La liberté d’association (Décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971 « liberté d’association ») ;
  • Le principe des droits de la défense (Décision n°76-70 DC du 2 décembre 1976, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail) ;
  • La liberté individuelle (Décision n°76-75 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales) ;
  • La liberté d’enseignement (Décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977, Loi relative à la liberté d’enseignement) ;
  • Le principe d’indépendance de la juridiction administrative (Décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs) ;
  • Le principe d’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur (Décision n°83-165 DC du 20 janvier 1984, loi relative à l’enseignement supérieur) ;
  • La compétence exclusive des juridictions administratives pour annuler ou réformer les décisions prises dans l’exercice d’une prérogative de puissance publique (Décision n°86-224 DC du 23 janvier 1987, « Conseil de la concurrence ») ;
  • La compétence exclusive du juge judiciaire en matière de privation de la propriété immobilière (Décision n°89-256 DC du 25 juillet 1989, « TGV Nord ») ;
  • Le principe de l’impossibilité pour le Gouvernement d’extrader un étranger pour motifs politiques (CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné, n°169219) ;
  • Le principe d’atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs et le principe d’amélioration de l’éducation et de la morale des mineurs délinquants (Décision n°2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice) ;
  • Le droit dérogatoire en Alsace et en Moselle en matière professionnelle et religieuse (Décision n°2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA).
  • b. Les principes particulièrement nécessaires à notre temps ;

Les principes particulièrement nécessaires à notre temps comprennent notamment : l’égalité entre les sexes, le droit d’asile pour tout homme : « persécuté en raison de son action en faveur de la liberté », le droit au travail et à l’emploi, le droit à la non-discrimination…

  • 4. Charte de l’environnement ;

La Charte de l’environnement a été votée le 24 juin 2004 par l’Assemblée nationale et le Sénat, elle a été adossée au Préambule de la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

La Charte énonce des droits et des devoirs, notamment le droit de chaque homme de vivre dans un environnement sain.

La Charte proclame d’autres droits, en particulier celui de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (Article 1), celui d’accéder aux informations relatives à l’environnement et à participer à l’élaboration des décisions publiques ayant un impact environnemental. (Article 7).

Elle comporte également un certain nombre de devoirs, comme par exemple l’obligation pour toute personne de prendre part à la préservation de l’environnement (Article 2), de prévenir toute atteinte à l’environnement et de la minimiser si cela n’est pas possible (Article 3), de contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement (Article 4), devoir pour les autorités de promouvoir le développement durable (Article 6).

La Charte de l’environnement s’est vue reconnaître une valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans une décision n°2005-514 DC du 28 avril 2005, (loi relative à la création du registre international français) : « l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement ont valeur constitutionnelle ».

Tout cet ensemble constitue le bloc de constitutionnalité : le bloc de constitutionnalité s’insère dans la hiérarchie des normes, ainsi les normes constitutionnelles ont un rang supérieur aux conventions internationales, aux lois, et aux actes administratifs.

En résumé :

Le bloc de constitutionnalité est :

  1. Supérieur aux conventions internationales : le droit de l’Union européenne n’échappe pas à ce principe. Le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas la primauté du droit de l’Union européenne (Décision n°2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe). Il a conçu une jurisprudence aux termes de laquelle les pouvoirs publics ont l’obligation de prendre les mesures de transposition des directives sous le contrôle du juge constitutionnel (lorsqu’est en cause une loi) ou du juge administratif (lorsqu’est en cause un décret de transposition).
  2. Supérieur aux lois : les lois ordinaires, ainsi que les lois organiques sont soumises au contrôle de constitutionnalité. Elles sont donc soumises au respect des normes constitutionnelles, à peine de ne pouvoir entrer en vigueur, ou d’être abrogées.
  3. Supérieur aux actes administratifs : si les normes constitutionnelles sont supérieures aux lois, elles sont a fortiori supérieures aux actes administratifs. Le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs est confié au juge administratif qui peut en sanctionner l’illégalité ainsi que l’inconstitutionnalité.