Une entreprise proposant aliments et boissons est-elle responsable d’une intoxication alimentaire ?

Intoxication alimentaire : étude de cas au cours de son séjour au village du Club Med les Almadies au Sénégal :

Faits :

Au cours de son séjour au village du Club Med les Almadies au Sénégal, du 6 au 20 août 2000, Monsieur Edgar a subi de graves troubles intestinaux à compter du 17 août. Il a été hospitalisé à son retour, du 21 au 28 août 2000, puis à nouveau du 4 au 9 septembre 2000 pour prise en charge d’une diarrhée importante avec déshydratation sévère et une insuffisance rénale fonctionnelle. Les examens pratiqués ont permis de diagnostiquer une intoxication alimentaire sévère avec présence de « salmonella enteritidis ».

Dans son rapport du 2 novembre 2002, l’expert judiciaire a mis en évidence une toxi-infection alimentaire collective, imputée à la consommation par Edgar d’œufs sur le plat le 17 août au cours du petit déjeuner, une déshydratation faisant suite à cette toxi-infection qui a provoqué, en outre, une insuffisance rénale aiguë. Des complications de type urinaire sont intervenues dans la nuit du 25 au 26 août, avec apparition d’une rétention aiguë d’urine nécessitant la pose d’une sonde puis conduisant, le 5 septembre, à une intervention chirurgicale de résection prostatique.

Depuis lors, Monsieur Edgar se plaint de troubles de la sexualité et d’une asthénie qui a influencé de manière irréversible son activité professionnelle. Monsieur Edgar a assigné la société Club Med en réparation des préjudices subis.

Problème de droit :

Une entreprise qui organise des séjours dans des villages de vacances est-elle responsable du fait d’une intoxication alimentaire apparue au cours d’un séjour ?

Parties

    • Monsieur Edgar, demandeur
    • Club Med, défendeur

Les arguments du demandeur :

    • Si aucune constatation médicale n’a été établie sur place dès l’apparition des troubles, deux autres vacanciers ont attesté de la réalité des troubles dont Monsieur Edgar a été victime,
    • Les analyses effectuées lors de son hospitalisation, dès le 20 août, ont révélé une septicémie à salmonelle, les conclusions de l’expertise judiciaire allant dans le même sens,
    • Il ne peut être sérieusement soutenu que cette infection pourrait provenir de la consommation de denrées alimentaires en dehors de l’enceinte du village du Club Med alors que deux témoins ont attesté de l’existence de plusieurs autres cas d’infection, ce que l’expert judiciaire a expressément retenu en mentionnant une « toxi-infection alimentaire collective »,
    • Des témoins rapportent avoir entendu plusieurs personnes au restaurant, au bar, à la piscine ou à la plage se plaindre de gastro-entérites persistantes malgré les traitements délivrés par l’infirmerie du club
    • L’expert judiciaire a conclu à une ITT de 44 jours, une incapacité fonctionnelle professionnelle de 50% pendant 3 mois puis de 25% pendant 6 mois et de 10% jusqu’au 22 octobre 2002 ainsi qu’un préjudice sexuel.

Les arguments du défendeur :

  • Edgar est responsable en partie des préjudices subis pour défaut de soins médicaux appropriés,
  • Alors qu’il indique avoir été victime de graves troubles intestinaux quelques jours avant son retour en France, sans en démontrer la date exacte, Edgar n’a pas consulté de médecin local, ni sollicité son rapatriement,
  • Les troubles ont été démontrés par les seules attestations de deux autres touristes non médecins,
  • Edgar qui exerce la profession de médecin, aurait commis une faute en pratiquant une automédication non appropriée, en s’abstenant de prendre des antibiotiques ou de consulter un confrère local, ce qui a provoqué les complications constatées à son retour en France. Le Club Med n’est donc pas responsable.

Solution des juges :

S’agissant de la sécurité des aliments et boissons servis dans ses villages, la société le Club Med est tenue d’une obligation de sécurité à l’égard de ses clients. Le tribunal de grande instance de Paris a retenu l’entière responsabilité de la société Club Med et l’a condamnée à payer, à Edgar la somme de 54.368,88 € en réparation de son préjudice corporel.