Défi Facebook : étude de cas

Mademoiselle Tressia est aide-soignante dans une maison de retraite. Elle a décidé de réaliser un défi facebook « un resto ou à l’eau ». Pour ce faire, elle s’est mise en scène, devant un téléphone portable, dans le jardin de l’établissement, déguisée d’une perruque et assise sur un fauteuil roulant, avec un scotch sur la bouche et les mains liées par une bande de contention. Ses collègues l’ont arrosée à l’aide de seaux d’eau et d’un tuyau d’arrosage. Elle a ensuite publié la vidéo de son défi sur facebook.

La maison de retraite a alors licencié mademoiselle Tressia pour faute grave car elle a estimé qu’elle devait avoir un comportement exemplaire. De plus, en faisant participer trois de ses collègues à ce défi, la maison de retraite a considéré que mademoiselle Tressia avait troublé le bon fonctionnement de l’établissement en réalisant ce défi sur son lieu de travail.

Mademoiselle Tressia conteste cette décision car elle considère que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Elle a donc demandé aux juges de première instance de lui rembourser les salaires qu’elle n’a pas perçu du fait de son licenciement, ce qu’ils ont refusé.

Elle fait appel de cette décision.

Problème de droit :

Une salariée peut-elle être licenciée pour avoir relevé un défi facebook personnel avec du matériel professionnel sur son lieu de travail ?

Parties :

Demandeur : Mademoiselle Tressia

Défendeur : La maison de retraite SA Medica France

Les arguments du demandeur, mademoiselle Tressia

Mademoiselle Tressia estime que son licenciement n’est pas justifié ( qu’il est juridiquement « sans cause réelle et sérieuse » ) et que les juges doivent lui réparer les préjudices qu’elle a subit à cause de ce licenciement. Mademoiselle Tressia reconnaît qu’elle a mal agi mais conteste la sanction qu’elle estime disproportionnée. Elle ajoute que jusqu’au moment des faits, elle a toujours eu un comportement exemplaire et la direction ne lui a jamais rien reproché. De plus, elle précise que la vidéo qui a été publiée sur facebook n’était visible que par ses amis et qu’elle n’a jamais eu l’intention de nuire à l’image de la maison de retraite.

Les arguments du défendeur, la maison de retraite

La maison de retraite rétorque qu’en faisant participer trois de ses collègues à son défi facebook, sur son lieu de travail et en tenue de travail, mademoiselle Tressia a manifestement troublé le bon fonctionnement de l’établissement et a manqué au règlement intérieur de l’établissement. Elle souligne que les salariés ne sont pas tenus de rester sur leur lieu de travail après leurs horaires, d’autant plus pour faire des choses personnelles, car les locaux de l’établissement sont réservés à un usage professionnel. Elle rappelle qu’il est interdit d’utiliser le matériel et les outils de l’établissement sont destinés au travail et ne doivent pas être utilisés à des fins personnelles. De plus, l’établissement relève que ce défi aurait pu avoir un impact sur l’image de l’établissement si des familles ou des résidents avaient été témoins de cette activité. Elle précise enfin que ce défi facebook a nui à la relation de confiance nécessaire à la poursuite du contrat de travail entre mademoiselle Tressia et la maison de retraite.

Solution des juges

La cour d’appel de Reims confirme le jugement de première instance en considérant que le licenciement est justifié et proportionné par rapport à la gravité du comportement du demandeur.

Les juges précisent qu’il suffit d’une seule faute suffisamment importante pour que le licenciement puisse être prononcé.

Même si au moment des faits, le demandeur avait fini son travail de la journée, les juges estiment que son comportement fautif n’est pas détachable de sa fonction d’aide-soignante et qu’en tant que telle, elle devait continuer à se comporter de façon professionnelle tant qu’elle était sur place.

Son activité a également perturbé le fonctionnement de l’entreprise car d’autres salariés ont été sollicités pour participer au défi et ont dû délaisser leur poste de travail pour y concourir.

Ainsi, la cour d’appel confirme le licenciement du demandeur.