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Abandon judiciaire : les conditions d’un enfant placé en famille d’accueil

Cour d’appel de Montpellier, 14 mai 2014

Mathilde est née le 7 avril 2011. Depuis qu’elle a 5 mois, elle fait l’objet d’une mesure de placement en famille d’accueil. Cette mesure est régulièrement renouvelée depuis, à cause des graves carences de ses parents. En effet, sa mère, Aurore, consomme des stupéfiants et son père, Yann, a été condamné pénalement à plusieurs reprises.

Compte tenu de la situation, le Conseil Général de l’Aude a demandé à ce que soit prononcé l’abandon judiciaire de Mathilde.

Le Tribunal de grande instance de Carcassonne a rendu un jugement, le 10 septembre 2013, par lequel il rejette la demande du Conseil Général de l’Aude. En conséquence, il ne prononce pas l’abandon judiciaire de Mathilde et maintien les liens de filiation entre cette dernière et ses parents.

Cependant, le Conseil Général de l’Aude conteste cette décision et interjette appel.

Problème de droit

Les carences parentales peuvent-elles justifier la proclamation de l’abandon judiciaire d’un enfant ?

Parties à l’instance

Demandeur : Le Conseil Général de l’Aude

Défendeurs : Le père de Mathilde, Yann / La mère de Mathilde, Aurore

L’affaire a également été communiquée au Ministère public qui a fait connaître sa position par ses réquisitions.

Demandes des parties

Le Conseil Général de l’Aude demande à ce que le jugement soit réformé car il souhaite que l’abandon judiciaire de Mathilde soit prononcé et que les droits attachés à l’autorité parentale lui soient délégués. Il estime en effet que les parents de Mathilde sont responsables de graves carences parentales qui justifient ces mesures.

Le père, Yann, souhaite quant à lui la confirmation du jugement car il estime qu’il ne s’est manifestement pas désintéressé de sa fille pendant l’année qui a précédé l’introduction de la demande du Conseil Général de l’Aude ( dans le cas contraire cela permettrait de déclarer l’abandon judiciaire car l’article 350 du Code civil conditionne l’abandon judiciaire à la preuve qu’un parent s’est manifestement désintéressé de son enfant pendant l’année qui a précédé la demande ).

Il justifie cela par le fait qu’il a téléphoné à l’assistante familiale de Mathilde pour prendre de ses nouvelles à plusieurs reprises l’année précédant l’introduction de la demande du Conseil Général et qu’il est également directement entré en contact avec la famille d’accueil de sa fille.

La mère, Aurore, sollicite en substance la même chose que Yann car elle considère qu’elle ne s’est pas non plus manifestement désintéressée de sa fille pendant l’année qui a précédé l’introduction de la demande du Conseil Général de l’Aude car elle a téléphoné à plusieurs reprises à l’assistante familiale de Mathilde ainsi qu’à sa famille d’accueil. Pendant cette période, elle a également été présente aux audiences devant le juge des enfants.

Enfin, dans ses réquisitions, le Ministère public, a demandé la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Carcassonne. Sa demande va donc dans le même que celles des parents de Mathilde.

Solution de la cour d’appel

La cour d’appel admet que les parents de Mathilde ont bien manifesté, pendant l’année précédant l’introduction de la demande du Conseil Générale de l’Aude, leur volonté d’obtenir des nouvelles de Mathilde. Ces démarches démontrent bien l’intérêt qu’ils portent à leur fille. Elle en conclut qu’il existe un lien effectif entre Mathilde et ses parents, comme l’avait relevé le jugement rendu par le TGI de Carcassonne. La cour d’appel relève par ailleurs que les relations compliquées entretenues par les parents de Mathilde avec les services de l’Aide Sociale à l’Enfance en charge de la mesure de placement, ne doit pas priver définitivement les parents de leurs droits attachés à l’autorité parentale et déboucher sur une demande de déclaration d’abandon judiciaire. La cour tient compte de l’intérêt de l’enfant dans sa décision pour décider que Mathilde doit demeurer pour l’instant sous son statut de mineure placée, en encourageant les parents à exercer leurs droits d’accueil, sans la priver définitivement de sa filiation naturelle pour lui substituer à terme, une filiation adoptive.

En conséquence, la cour d’appel confirme le jugement rendu, en toutes ses dispositions.