Le maire sortant de Hermes, Monsieur C., a créé une page Facebook de statut « public » selon les règles de confidentialité du réseau social intitulée « Mairie de Hermes » afin d’y promouvoir son action de maire de la ville.

Sur cette page, il a publié, jusqu’à la veille du scrutin des élections municipales, des informations sur l’actualité de la mairie, accompagnées de commentaires valorisant son action. Il y publiait également des correspondances avec des administrés et des prestataires de services de la commune.

En outre, il écrivait des commentaires parfois polémiques sur la liste adverse et donnait des indications concernant les élections en renvoyant vers la page de campagne de sa liste pour répondre aux questions des administrés.

Le candidat de la liste qui lui était opposée, Monsieur B., a formé un recours devant le tribunal administratif d’Amiens pour demander l’annulation les opérations électorales. Le juge lui a donné raison.

Monsieur C. forme donc un recours devant le Conseil d’Etat.

Identification des parties :

Demandeurs :

Monsieur C. et dix-sept candidats de la liste « Hermes : Notre village, ensemble assurant son avenir »

Défendeurs :

Monsieur B. et dix-huit candidats de la liste « Hermes : Notre commune, nos valeurs »

Problème de droit :  le maire sortant peut-il créer une page sur les réseaux sociaux intitulée du nom de la Mairie et l’utiliser pour promouvoir sa campagne électorale au détriment de son concurrent et de sa liste ?

Arguments des demandeurs :

Les demandeurs, M.C et les autres candidats de sa liste, demandent au Conseil d’Etat d’annuler la décision du tribunal administratif d’Amiens qui a annulé les résultats des élections des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Hermes.

Ils considèrent que le tribunal administratif d’Amiens a annulé à tort les opérations électorales susmentionnées. En effet, ils estiment que les publications de la page Facebook citée ne constituaient pas des manœuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Arguments des défendeurs :

Ils estiment que la page Facebook créé par le Maire sortant était de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs, et que cela a constitué une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Solution du Conseil d’Etat :

Le Conseil d’Etat donne raison aux défendeurs en confirmant la décision du tribunal administratif d’Amiens car la page Facebook, compte tenu de son intitulé « Mairie de Hermes », de son contenu mélangeant informations institutionnelles et propagande électorale, de son ton initialement proche de celui d’un bulletin municipal, puis progressivement polémique au fur et à mesure que s’approchait la date du scrutin, et de son interaction avec le site web officiel de la commune de Hermes, a créé une confusion dans l’esprit des électeurs.

Cela a donc influencé les résultats des élections et altéré la sincérité du scrutin.

Conseil d’État, 10ème / 9ème SSR, 06/05/2015, 382518

Conseil d’État – 10ème / 9ème SSR

  • N° 382518
  • ECLI:FR:CESSR:2015:382518.20150506
  • Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Lecture du mercredi 06 mai 2015

Rapporteur

Mme Isabelle Lemesle

Rapporteur public

Mme Emilie Bokdam-Tognetti

Avocat(s)

SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B…D…et dix-huit des candidats de la liste  » Hermes : Notre commune, nos valeurs  » ont demandé au tribunal administratif d’Amiens d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Hermes (Oise).

Par un jugement n° 1400987 du 10 juin 2014, le tribunal administratif d’Amiens a annulé ces opérations électorales.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juillet et 18 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C… A…et dix-sept des candidats de la liste  » Hermes notre village ensemble assurons son avenir  » demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif d’Amiens ;

2°) de rejeter la protestation de M. D…et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. D…et autres la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu : 
– le code électoral ;
– le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,  

– les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B…D…;




1. Considérant que par un jugement du 10 juin 2014, dont M. C… A…et autres interjettent appel, le tribunal administratif d’Amiens a annulé, à la demande de M. B… D…et autres, les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l’élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la commune de Hermes (Oise), à l’issue desquelles la liste conduite par M. A…a recueilli 604 voix et la liste conduite par M. D…599 voix ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l’article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus de communiquer aux auteurs des protestations les mémoires en défense des conseillers municipaux dont l’élection est contestée, non plus que les autres mémoires ultérieurement enregistrés, et qu’il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, d’en prendre connaissance au greffe du tribunal ; que, en outre, il résulte de l’instruction que le mémoire complémentaire produit par les protestataires, enregistré au greffe le jour de la clôture de l’instruction, qui n’était d’ailleurs pas signé, ne comportait pas d’élément nouveau sur lequel le tribunal administratif se serait fondé pour prendre sa décision sans que les défendeurs aient pu en prendre connaissance ; que, dès lors, la circonstance que ce mémoire n’ait été ni visé, ni communiqué à M. A…et autres par le tribunal administratif d’Amiens n’est pas, contrairement à ce que ces derniers soutiennent, de nature à entacher d’irrégularité le jugement attaqué ;

3. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait retenu un grief qui n’était pas soulevé devant lui manque en fait ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le grief tiré de la manoeuvre constituée par l’utilisation d’un réseau social pendant la campagne électorale :

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que M.A…, maire sortant, a créé en 2012 une page  » Facebook « , de statut  » public  » au sens des règles de confidentialité de ce réseau social, intitulée  » Mairie de Hermes « , dont la  » photographie de couverture  » représentait une vue de la commune et la  » photographie de profil  » l’hôtel de ville, afin de promouvoir son action en qualité de maire ; que y ont été publiés, jusqu’à la veille du scrutin du 23 mars 2014, notamment, des informations sur l’actualité municipale, le plus souvent illustrées de photographies et accompagnées de commentaires valorisants, des échanges épistolaires entre le maire et ses administrés ou des prestataires de services de la commune, un extrait du bulletin de service interne de la police municipale, la composition de la liste qu’il conduisait, des commentaires sur la liste adverse ainsi que des liens vers différents sites informatiques, parmi lesquels celui de la liste que conduisait M. A…et celui de la commune de Hermes intitulé  » Ville de Hermes « , sur lequel M. A…a utilisé sa page  » Facebook  » intitulée  » Mairie de Hermes  » pour répondre aux questions de certains administrés ;

5. Considérant que la page  » Facebook  » créée par M. A…était de nature, compte tenu de son intitulé  » Mairie de Hermes « , de son contenu mélangeant informations institutionnelles et propagande électorale, de son ton initialement proche de celui d’un bulletin municipal puis progressivement polémique, au fur et à mesure que s’approchait la date du scrutin, et de son interaction avec le site web officiel de la commune de Hermes, à créer une confusion dans l’esprit des électeurs ; qu’il est par ailleurs établi que 53 connexions ont interagi avec cette page entre le 5 et le 12 mars 2014 ; qu’ainsi, l’utilisation de cette page, qui était en libre accès compte tenu de son statut  » public  » au sens des règles applicables au réseau social qui la contenait, a constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, eu égard à l’écart de cinq voix séparant la liste conduite par M. A…et celle conduite par M.D… ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Hermes ; que, par suite, leur requête doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par M. D…et autres ;




D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de M. A…et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D…et autres présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. C…A…et B…D…, premiers dénommés, ainsi qu’au ministre de l’intérieur.

ECLI:FR:CESSR:2015:382518.20150506