Organisation internationales et justice pénale

1- Les juridictions pénales internationales

a) Les tribunaux pénaux internationaux

L’ampleur et la gravité des crimes perpétrés par les nazis et l’horreur de la Shoah ont conduit au cours même de la seconde guerre les Alliés à affirmer leur volonté de juger et de châtier les coupables.
A la fin de la guerre deux juridictions sont créées : le Tribunal militaire international de Nuremberg par l’accord de Londres du 8 août 1945 et le Tribunal international pour l’extrême Orient (Tribunal de Tokyo) par une déclaration du Commandant suprême des Forces Alliées le 19 janvier 1946.
Vingt-deux dirigeants nazis ont été déférés au Tribunal de Nuremberg, qui était composé de quatre juges titulaires et de quatre juges suppléants désignés respectivement par les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique.
Le jugement a été rendu le 1er octobre 1946.
Douze accusés ont été condamnés à mort, trois à la prison à vie, deux à vingt ans de prison, un à quinze ans, un à dix ans et deux ont été acquittés. Toutes les peines ont été exécutées. Ces tribunaux ont dessiné les fondements du droit pénal international moderne.

L’Assemblée générale des Nations Unies appelait à la tenue d’une conférence diplomatique des Nations Unies pour la création d’une Cour pénale internationale.
L’urgence de la mise en place de cette instance était soulignée par les crimes contre l’humanité perpétrés en ex-Yougoslavie et au Rwanda, En l’absence de juridiction pénale internationale permanente, le Conseil de sécurité décidait de créer deux tribunaux pénaux internationaux :

– Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), créé en 1993 par le Conseil de sécurité de l’ONU, est chargé de juger les personnes, y compris les responsables politiques, ayant commis sur le territoire de l’ancienne République yougoslave, et après le 1er janvier 1991, l’une des atteintes suivantes au droit humanitaire international : crime contre l’humanité, génocide, violation des lois et coutumes de guerre, torture, prise d’otage de civils, etc. Ce tribunal siège à La Haye, il est composé de 11 juges permanents nommés par l’Assemblée générale de l’ONU, et d’un procureur indépendant. Il ne peut prononcer que des peines d’emprisonnement. Sa fermeture a été reportée à 2017.

– Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé en 1994, est compétent pour punir les violations graves du droit international commises sur le territoire rwandais, ou par des citoyens rwandais sur le territoire d’États voisins, au cours de l’année 1994. Situé à Arusha en Tanzanie, ce tribunal est composé de 16 magistrats permanents. Il fonctionne de manière analogue au TPIY. Son mandat s’est achevé en le 31 décembre 2015. Ouvert en 1995 à Arusha, en Tanzanie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a mis en accusation 93 personnes. 85 procès ont été terminés, dont cinq ont été transférés vers d’autres juridictions, au Rwanda et en France, et 61 personnes ont été condamnées, dont une dizaine à la prison à perpétuité en première instance, avant de voir la sanction parfois réduite en appel.

b) La Cour Pénale Internationale (CPI)

C’est la seule juridiction pénale internationale permanente créée par le Statut de Rome. Ce Statut a été adopté lors de la Conférence de Rome, qui s’est déroulée du 15 juin au 17 juillet 1998.
Le statut de Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États : la Cour pénale internationale est alors officiellement créée. Cependant, la compétence de la Cour n’étant pas rétroactive c’est-à-dire qu’elle ne traite que les crimes commis à compter de cette date. Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas, mais les procès peuvent se dérouler en tous lieux. Sa compétence est bien encadrée :

– La Cour pénale internationale ne peut connaître que de 4 catégories d’infractions (définir ci-dessous). Elle mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
– La Cour ne peut intervenir que si le crime a été commis sur le territoire d’un État ayant signé la convention, ou si le mis en cause est un ressortissant de l’un de ces États. Toutefois, le Conseil de sécurité de l’ONU peut donner compétence à la CPI de manière exceptionnelle lorsqu’un État qui n’a pas ratifié la convention commet des violations graves : cela a été le cas pour le Darfour en 2005.
– Sa compétence est subsidiaire c’est-à-dire qu’elle n’est mise en jeu qu’en cas de défaillance de l’État compétent pour juger le criminel. C’est le principe de subsidiarité instauré également par la Cour Européenne des droits de l’homme siégeant à Strasbourg.

Les définitions des catégories d’infractions :

Qu’est-ce qu’un crime de génocide ?
Aux termes de l’article 6 du Statut de la CPI, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Qu’est-ce qu’un crime contre l’humanité ?
Il est difficile de donner une définition toute faite au crime contre l’humanité. C’est une catégorie de crimes complexes. Il s’agit de crime touchant aux droits fondamentaux d’un être-humain et puni au niveau international. Il peut être d’origine politique, philosophique, racial ou religieux. Sa conséquence juridique fondamentale est d’être imprescriptible : ses auteurs peuvent être poursuivis jusqu’au dernier jour de leur vie.
L’accord de Londres du 8 août 1945 définit le crime contre l’humanité comme « l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux » (article 4).
Le statut de la Cour pénale internationale consacre son article 7 aux Crimes contre l’humanité. On peut y lire : «
1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) Réduction en esclavage ;
d) Déportation ou transfert forcé de population ;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
f) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ;
i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d’apartheid ;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

Qu’est-ce qu’un crime de guerre ?
L’article 8 du Statut énumère les crimes de guerre :
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949
i) L’homicide intentionnel ;
ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ;
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie ;
vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement ;
vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;
viii) La prise d’otages ;

2- Le saviez-vous ? Comment l’ONU sanctionne les soldats de la paix qui commettent des infractions comme exploiter la vulnérabilité des populations qu’ils sont chargés de protéger?

Cet incident s’est par exemple produit au printemps de 2014. Des forces internationales affectées dans une mission de maintien de la paix en République centrafricaine étaient accusées de s’être livrées à des sévices sexuels sur la personne d’un certain nombre de jeunes enfants en échange de nourriture ou d’argent.

Problème de droit :
Quelles mesures sont prises par la communauté internationale pour faire en sorte que les auteurs répondent de leurs actes ?

Quelques arguments des militaires accusés :
– Ils nient les faits. Lors de sa garde à vue, l’un des soldats a nié les faits et assuré qu’« il aurait eu une réaction violente [s’il avait] assisté à des relations sexuelles entre un militaire et un enfant». Un autre dira la même chose lors de son interrogatoire : « il est inconcevable qu’il puisse y avoir eu des relations sexuelles avec un mineur ». S’il a bien un tatouage et porte un prénom mis en cause dans le rapport de l’ONU, l’endroit du tatouage ne correspond pas et la victime est revenue, devant les gendarmes français, sur ses accusations.
– Il y aurait une machination montée contre les soldats français. Une note de synthèse des enquêteurs précise que « les investigations réalisées jusqu’à ce jour permettent surtout de déceler du côté de l’accusation un certain nombre d’invraisemblances, de contradictions et de distorsions, sans pour autant permettre de rassembler la moindre preuve à charge à l’encontre des militaires français ».

Quelques arguments des accusateurs :
– Lorsque des soldats de la paix exploitent la vulnérabilité des populations qu’ils sont chargés de protéger, ils trahissent fondamentalement la confiance de celles-ci. Lorsque la communauté internationale ne prête pas assistance aux victimes ou ne prend pas de mesures pour faire en sorte que les auteurs répondent de leurs actes, la trahison est encore plus grave.
– Pour que la politique de tolérance zéro du Secrétaire général de l’ONU devienne réalité, l’ensemble des Nations Unies − y compris les pays fournisseurs de contingents – doit reconnaître que les sévices sexuels perpétrés par des soldats de la paix ne relèvent pas simplement de la discipline ; ce sont des violations des droits fondamentaux des victimes et, dans bien des cas, des violations du droit international humanitaire et du droit pénal.
– Si des mesures concrètes ne sont pas prises pour remédier aux actes répréhensibles commis par ceux-là mêmes qui ont été envoyés pour protéger les populations vulnérables, la crédibilité de l’Organisation et l’avenir des opérations de maintien de la paix seront mis en péril.
– Les actes de violence sexuelle perpétrés par des soldats de la paix en période de conflit ne constituent pas simplement des affaires disciplinaires, mais de graves violations des droits de l’homme.

Mesures inspirées du rapport « Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix » du 15 décembre 2015
– Enquête, signalement et suivi (Lorsque l’ONU reçoit des informations faisant état de violations des droits de l’homme, elle a le devoir, au titre de ses politiques relatives aux droits de l’homme, de mener des enquêtes, de signaler ces violations et d’y donner suite).
– Principe de responsabilité (L’ONU ne peut se contenter de signaler les actes d’exploitation et de violences sexuelles perpétrés par des soldats de la paix. Elle doit prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les coupables soient identifiés et traduits en justice.

Ainsi, des recommandations ont été faites dont :
– Traiter différemment les actes de violence sexuelle commis par des soldats de la paix : Reconnaître qu’il s’agit de formes de violence sexuelle liées aux conflits qui doivent relever des politiques de l’ONU en matière de droits de l’homme.
– Régler le problème du morcellement des responsabilités : Un des problèmes les plus criants qu’a observés le Groupe au cours de son étude réside dans la tendance qu’ont les fonctionnaires de l’ONU à nier que c’est à eux qu’il revient de traiter les cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles impliquant des soldats de la paix. le Groupe recommande la création d’un bureau de coordination, qui serait chargé de diriger et de coordonner l’action menée pour donner suite à toutes les allégations de violence sexuelle liée aux conflits, y compris celles qui impliquent des soldats de la paix, qu’ils soient ou non sous le commandement de l’ONU.
– Rendre obligatoire le signalement immédiat des actes de violence sexuelle commis par des soldats de la paix en temps de conflit
– Constituer une équipe d’enquêteurs spécialisés
– Droit des victimes à un recours : En principe, les victimes d’actes de violence liée aux conflits doivent être indemnisées. Cependant, en temps de conflit armé, il est souvent illusoire de compter sur des recours individuels. Le Groupe est favorable à la création du fonds d’affectation spéciale proposé par le Secrétaire général. Il est à noter que ce fonds n’est pas conçu pour indemniser individuellement les victimes d’atteintes sexuelles, mais pour aider à financer les services spécialisés dont elles ont besoin. Il faut toutefois qu’il puisse bénéficier à toutes les victimes de soldats de la paix, qu’ils soient ou non sous le commandement de l’ONU.
– Revoir la question de l’attribution de la compétence pénale : Le dispositif qui régit actuellement les poursuites pénales contre les soldats de la paix accusés d’actes de violence sexuelle est inefficace et inadapté. En vertu des accords conclus avec l’ONU, les pays fournisseurs de contingents sont seuls compétents pour poursuivre les membres de leurs contingents qui auraient commis de tels crimes. Autrement dit, si le pays fournisseur de contingents choisit de ne pas exercer sa compétence ou mène une procédure déficiente, l’ONU, le pays hôte et les victimes n’ont aucun recours. Pour y remédier, l’ONU devrait s’inspirer des modèles adoptés à l’échelle internationale, comme celui de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui, dans certains cas, autorise le pays hôte à engager des poursuites si l’autorité nationale dont relève l’auteur du délit n’exerce pas sa compétence. Ce mécanisme incite le pays fournisseur de contingents à s’employer activement à établir les responsabilités.
– Accroître la transparence des enquêtes et des poursuites : Même lorsque des poursuites sont engagées, les procès se tiennent généralement loin du lieu où les délits ont été commis. En conséquence, les victimes et les populations touchées ont rarement l’occasion d’y participer et ne sont pas informées de leur issue.

Sources :
Rapport du « Groupe d’enquête externe indépendant chargé d’examiner la réaction de l’ONU aux allégations d’exploitation et d’atteintes sexuelles et d’autres infractions graves qui auraient été commises en République centrafricaine » commandité par le SG de l’ONU.
http://www.un.org/News/dh/infocus/centafricrepub/Independent-Review-Report-Fr.pdf
http://www.un.org/press/fr/2015/sgsm17425.doc.htm
http://www.francetvinfo.fr/monde/viols-en-centrafrique-lauteur-du-rapport-de-l-onu-raconte_1711167.html
http://www.lemonde.fr/international/article/2016/01/07/en-centrafrique-les-accusations-de-viols-d-enfants-se-multiplient-contre-les-soldats-etrangers_4843321_3210.html